http://www.voltairenet.org/article179393.html
تاریخ "نظم جدید جهانی"
Histoire du « Nouvel ordre mondial »
par Pierre
Hillard
Pierre Hillard retrace l’histoire d’un courant idéologique qui
imprime sa marque aux actuelles tentatives de regroupement
d’Etats au sein de blocs régionaux et tente de les orienter vers
une forme de gouvernance mondiale. Son objectif n’est pas de
prévenir les conflits, mais d’étendre la puissance financière et
commerciale du monde anglo-saxon. Il théorise et revendique le
projet d’un « Nouvel ordre mondial » érigé sur les ruines des
Etats-nations.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’assimiler tous les efforts visant à
mettre fin aux divisions nationales à une volonté de domination.
Mais il est indispensable d’étudier ce projet de globalisation
politique afin de ne pas le laisser transformer l’idéal de
l’unité humaine en un cauchemar totalitaire.
RÉSEAU VOLTAIRE | PARIS (FRANCE) | 21 FÉVRIER 2010
ITALIANO ESPAÑOL
Réunis à Londres, le 2 avril 2009, autour de la reine Elizabeth
II, les chefs d’Etat et de gouvernement des 20 plus grandes
puissances du monde ont envisagé de créer un directoire
économique mondial.
Avec la ratification du Traité de Lisbonne par les 27 Etats
européens, l’élection d’Herman van Rompuy à la présidence du
Conseil européen et de Catherine Ashton comme Haut-représentant
de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de
sécurité, le 19 novembre 2009, marque un tournant décisif dans
les ambitions mondialistes. L’Union européenne (l’UE) se voit
dotée progressivement d’un visage politique et d’un « numéro de
téléphone » pour reprendre l’expression d’Henry Kissinger.
Certes, de nouveaux réglages — une forme de rodage — s’avèrent
nécessaires afin de véritablement asseoir cette union régionale.
En effet, des rivalités continuent à perdurer entre le président
du Conseil européen, le président de la Commission européenne et
la présidence tournante de six mois. Cette situation agace
profondément l’administration Obama [1].
Cependant, dotée de la personnalité juridique et d’une complète
primauté du droit européen sur le droit national, l’Union
européenne peut prétendre (réussir ?) devenir un acteur de la
scène internationale. Il serait faux d’affirmer que cette
nouvelle vocation se fera dans une complète indépendance par
rapport au reste du monde. En fait, les élites européistes
soutenues par l’oligarchie financière avancent en liaison et en
communion d’esprit avec toutes les autres formes d’unions
régionales en cours d’élaboration sur la planète.
En effet, l’Union européenne n’est qu’une composante d’un vaste
programme conduisant à l’émergence de blocs continentaux dotés
chacun d’une monnaie, d’une citoyenneté, d’un parlement unique,
etc ; l’ensemble de ces blocs étant appelé à constituer une
gouvernance mondiale.
Nous pouvons relever les unions régionales suivantes en
formation :
La Communauté
Economique Eurasiatique (CEEA
ou Eurasec pour Eurasian Economic Community) [2] :
créée en octobre 2000 et réunissant plusieurs pays de l’ancien
bloc soviétique (Russie, Kazakhstan, Biélorussie, …), elle
poursuit l’objectif de créer une union douanière [3]
à partir de 2010 avec l’idée d’une monnaie régissant l’ensemble
appelé « evraz » [4]
ou « euras » ou encore « eurasia » (le nom de cette monnaie peut
encore changer) [5].
L’Union des nations sud-américaines (UNASUR) [6] :
créée en mai 2008, elle entend passer d’une logique
sub-régionale à une identité régionale en fusionnant en une
seule organisation le Mercosur et la Communauté andine,
c’est-à-dire en réunissant tous les Etats du continent
sud-américain (à l’exception de la Guyane française, et des îles
britanniques Sandwich et Malouines). L’idéal poursuivi est de
réussir la mise sur pied d’un parlement, d’une monnaie unique [7]
et d’une citoyenneté commune. L’UNASUR entretient des liens
privilégiés avec son modèle européen dans le cadre d’une
assemblée parlementaire euro-latino américaine appelée EUROLAT [8].
Le Système d’intégration centre-américain (SICA) [9] :
créé en décembre 1991, ce groupe de pays centre-américains
poursuit les mêmes objectifs cités ci-dessus, en particulier la
création d’une monnaie unique suite au 33è congrès tenu à San
Pedro Sula (Honduras) en décembre 2008.
Le lancement de « l’Organisation de l’Unité Africaine » (OUA) [10]
en 1963 a permis de passer à la vitesse supérieure, à partir des
années 1999-2000, avec la création de l’Union
Africaine (l’UA,
à Durban en juillet 2002) et du « Nouveau Partenariat pour le
Développement de l’Afrique » (NEPAD) [11].
Les objectifs (commission, parlement panafricain, cour africaine
des droits de l’homme, etc) se calquent sur le modèle européen [12].
Le Conseil de coopération du Golfe (Golf cooperation council,
GCC) [13] :
créé en 1981, il tend à une union de plus en plus étroite entre
les Etats du Golfe (Bahrein, Koweït, Oman, Qatar, Arabie
Saoudite et Emirat arabes unis). Une monnaie commune est prévue
vers 2010/2011. Le nom avancé par certains est « Khaleeji ».
Cependant, même si le principe d’unité monétaire est retenu,
l’appellation de cette monnaie n’est pas assurée [14].
Une union asiatique prend forme sous l’égide de trois acteurs
principaux : le Japon (CEAT, Council on East Asian Community),
la Chine (NEAT, the Network of East Asian Think Tank) et la
Corée du Sud (EAF, the East Asia Forum).
Depuis le 1er janvier 2010, la Chine et l’Asean (sigle anglais
pour « Association des nations du Sud-Est asiatique) ont lancé
la plus grande zone de libre-échange au monde, à laquelle se
sont joints la Corée, le Japon, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande. Elle doit permettre « d’accélérer ce processus
de régionalisation » comme se plaît à le dire Xu Ningning, le
secrétaire général du Conseil économique Chine-Asean [15].
Une union Nord-américaine a été lancée en mars 2005 au Texas
(Waco) entre les chefs d’Etat états-unien, canadien et mexicain
dans le cadre du PSP (Partenariat pour la Sécurité et la
prospérité) [16].
L’objectif déclaré est d’aboutir, théoriquement au cours de
l’année 2010, à l’instauration d’un périmètre politique,
économique et militaire unifié entre les trois Etats [17].
Une unité monétaire appelée « amero » ou « dollar
nord-américain » (la désignation de cette nouvelle monnaie n’est
pas assurée) doit remplacer le dollar US et canadien ainsi que
le peso mexicain [18].
Cette mutation passe par un effondrement du dollar et, par
ricochet, du système financier et monétaire mondial. Cette crise
systémique globale (politique, financière, monétaire et
géopolitique) se renforce en ce début de l’année 2010 afin de
favoriser l’arrivée de ce nouvel ordre mondial tant désiré par
les thuriféraires du système.
Enfin, il est prévu théoriquement pour 2015 l’instauration d’un
bloc euro-atlantique unifié politique, économique et militaire [19].
Nous pouvons signaler que le Parlement européen a adopté une
résolution, le 26 mars 2009, traitant de « l’état des relations
transatlantiques après les élections qui ont eu lieu aux
Etats-Unis ». Cette résolution a le mérite de rappeler tous les
accords politiques, économiques et militaires conclus de part et
d’autre des rives de l’Atlantique afin d’aboutir à une union
transatlantique [20].
Cette liste ne serait pas complète sans évoquer un événement
majeur passé sous silence par la presse française. En effet,
lors du sommet de l’Aquila en Italie (8-10 juillet 2009), les
chefs d’Etat ont traité divers dossiers (crise économique,
climat, …). Cependant, lors d’une rencontre avec les
journalistes, le président russe Medvedev s’est plu à présenter
un prototype de monnaie mondiale sous la forme d’une pièce
fabriquée en Belgique sur laquelle était gravée en anglais
« unité dans la diversité » [21].
Cette présentation constitue un tournant majeur. Pour la
première fois, un chef d’Etat a présenté un exemplaire d’une
monnaie en mesure d’être la référence unique de l’humanité toute
entière [22].
Ce geste complète les propos d’Herman van Rompuy qui, lors de
son discours de remerciements après sa nomination au poste de
président du Conseil de l’Union européenne, n’a pas hésité à
prononcer ces paroles lourdes de sens : « 2009 est aussi la
première année de la gouvernance mondiale avec l’instauration du
G20 en plein crise financière » [23].
Cette affirmation — juste de la part d’un partisan de la
gouvernance mondiale — doit nous amener à réfléchir et à nous
poser la question suivante : comment en est-on arrivé là ? En
effet, la description de ces diverses unions régionales plus ou
moins avancées dans le cadre d’une autorité unique — avec
éclatement interne des Etats qui les composent [24]
— n’est pas le fruit du hasard. En fait, cette mutation résulte
d’un très long travail de fond de la part des oligarchies
financières [25]
et de groupes élitistes politiques dans le cadre de think
tanks ou de fondations.
L’oligarchie anglo-saxonne et ses princes
Le public francophone est malheureusement ignorant des vrais
acteurs de la politique mondiale, ces derniers exerçant leurs
talents plus dans les coulisses que sur la scène politicienne.
Pour mieux comprendre la situation désastreuse dans laquelle les
défenseurs de la cause nationale se trouvent en ce début de XXIè
siècle, il est nécessaire de rappeler dans ses grands traits le
rôle éminemment important de la puissance financière et
aristocratique anglo-saxonne. Celle-ci a toujours constitué un
Etat dans l’Etat. On peut situer sa prise du pouvoir suite à
l’instauration de la « Grande Charte » du 15 juin 1215. Après la
défaite du roi Jean Sans Terre d’Angleterre, le 27 juillet 1214
à Bouvines face au roi Philippe Auguste, les barons anglais ont
arrach��� des privilèges politiques et financiers. Désormais, la
couronne britannique est obligée de composer et de collaborer
avec une caste qui allie force, puissance financière et
ambitions commerciales. Dès cette époque, une élite avide,
revendicatrice et orgueilleuse est née. Elle est à l’origine de
l’existence de ces groupes de pressions (ou lobbies) qui, par
des voies aussi diverses que la finance, le renseignement ou les
médias, exercent des pressions sur le pouvoir politique. Ce
dernier dépendant largement d’appuis et de monnaie sonnante et
trébuchante pour son maintien au pouvoir est dans l’obligation
absolue de tenir compte des avis et des conseils émanant de
cette caste. Les think tanks (« instituts de
recherche » ; la traduction est cependant impropre), fondations
et groupes élitistes sont la suite logique d’un état d’esprit
élitiste et mercantile. Ces cénacles sont devenus les centres
incontournables d’une minorité active conditionnant l’avenir du
monde anglo-saxon puis, de proche en proche, de l’univers
entier. Contrairement à la conception politique française qui
soumet toute activité à celle de l’Etat, ces organisations
politico-commerciales ne dépendent plus d’une autorité
nationale. Très tôt, elles ont exercé leurs talents. Dès le
Moyen-Âge, des compagnies comme les London Staplers, les London
Mercers Company ou encore la British East India Company (la BEIC
au 17è siècle) ont été les fers de lance de l’impérialisme
britannique. Ainsi, l’aristocratie commerciale s’est transmises
le flambeau de la conquête et de la maîtrise des richesses de
génération en génération. « Toujours plus » pour reprendre une
expression de François de Closets.
La défaite française en Amérique du Nord conduisant au
Traité du 10 février 1763 peut être considéré comme l’acte de
naissance de la montée en puissance de l’oligarchie britannique.
En effet, la perte de la Nouvelle France donne à la Couronne
britannique tout un continent aux richesses inouïes et presque
vide d’habitants. L’incapacité de la monarchie française à
peupler ces vastes territoires et à les intégrer à la sphère de
la civilisation gréco-romaine fait basculer tout cet espace sous
la coupe anglo-saxonne. Mâtinées d’un tour d’esprit messianique,
les élites conquérantes américaines en liaison avec leurs
homologues britanniques sont prêtes à imposer leur modèle au
monde entier. Après les guerres de la Révolution et la défaite
de Napoléon I en 1815, la puissance anglo-saxonne n’a plus de
rival sur les mers. Puissance démographique, peuplement de
vastes territoires en Amérique du Nord, en Afrique australe, en
Australie et en Nouvelle-Zélande, contrôle de points
stratégiques partout dans le monde (Gibraltar, Hong Kong, …),
mainmise de territoires sur presque tous les continents,
technologie de pointe et secteur bancaire performant permettent
à ces aristocraties commerciales de Londres et de New-York de
rêver à un contrôle du monde sous les auspices de la City et de
Wall Street. Un homme a été la figure de proue de cet idéal :
Cecil Rhodes.
Cecil Rhodes (1853-1902) [26]
Ce grand défenseur de l’Empire britannique émigre en Afrique
australe où sa personnalité et ses qualités intellectuelles hors
normes lui permettent de faire fortune dans le diamant. Il est à
l’origine de la création de l’industrie diamantaire De Beers en
liaison et avec l’appui de Nathaniel Mayer Rothschild
(1840-1915). Sa fortune colossale lui ouvrant les portes de la
colonie britannique, Cecil Rhodes pose les jalons permettant à
l’Etat Sud-africain (dominion de l’Empire britannique) de
prendre forme quelques années après sa mort en 1910. Son
influence financière et politique lui permet de contrôler des
territoires à qui il donne son nom : la Rhodésie. Divisés plus
tard en Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud, ces Etats sont
devenus la Zambie et le Zimbabwe. Cependant, sa grande idée
coloniale est de réaliser une immense voie de chemin de fer
partant du Cap jusqu’au Caire. Dans sa défense de l’Empire
britannique, les voies de communications constituent un enjeu
capital pour la mise en valeur des richesses de toute sorte. Le
développement des voies de communications (sous toutes ces
formes [27])
est le passage obligatoire pour le bon fonctionnement de tout
Empire. Ce précepte est d’une très grande actualité en ce début
de XXIè siècle [28].
Les voies de communications constituent les artères irriguant
l’empire commercial et politique.
Cecil Rhodes (1853-1902)
Au-delà du bon fonctionnement de l’Empire britannique, un idéal
supérieur taraude Cecil Rhodes. En effet, convaincu de la
supériorité de la « race » anglo-saxonne, il conçoit une
politique afin d’assurer cette prééminence : l’union de tous les
pays anglo-saxons ou, plus exactement, l’instauration d’un bloc
réunissant l’Empire britannique et les Etats-Unis d’Amérique.
L’ensemble doit constituer pour lui le socle permettant la
naissance d’un Etat mondial animé des principes et de la
philosophie de l’aristocratie commerciale anglo-saxonne. Afin
d’y parvenir, il estime nécessaire de recruter des personnalités
supérieures au sein des universités qui, animées du même idéal,
seront soutenues pour occuper les postes clefs et aussi divers
que l’économie, la finance, l’armée, l’éducation, le
renseignement ou encore le journalisme. Ainsi, pareil à un corps
d’armée, ces différentes personnes véritables jésuites du
mondialisme convergeront vers le même but afin de former les
esprits dans leurs pays respectifs tout en développant les
structures politico-économiques conduisant à l’émergence de cet
Etat commercial mondial. Dans son esprit, cette ambition
titanesque et de très longue haleine passe par la création des
« bourses d’études Cecil Rhodes » (Rhodes Scholarships). Cecil
Rhodes n’a pas eu le temps de voir la concrétisation de cet
idéal de son vivant. Ce n’est qu’en 1904 que ses proches
collaborateurs lancent les premières bourses d’études portant
son nom à l’université d’Oxford. Le sociologue français, Auguste
Comte, disait que « les morts gouvernent les vivants ». Cette
formule peut largement s’appliquer à Cecil Rhodes. Ses concepts
ont forgé le monde du XXè siècle et du début XXIè siècle. Sans
tous les citer, nous pouvons relever parmi les bénéficiaires des
bourses d’études Cecil Rhodes : le Premier ministre australien
Bob Hawke (1981/1993) ; James Wolsey, directeur de la CIA
(1993/1995) ; Wesley Clarke, patron de l’OTAN au cours de la
décennie 1990 et acteur majeur de la destruction de la
Yougoslavie en mars 1999 ; le président Bill Clinton (promotion
1968) ou encore James William Fullbright (sénateur de l’Arkansas
et grande figure de la politique états-unienne) [29].
La politique de Cecil Rhodes n’aurait pas pu prendre l’ampleur
que l’on sait sans l’action de ses proches collaborateurs. Là
aussi, nous ne pouvons pas citer la liste fort conséquente à la
lecture d’Anglo-American Etablishment de Carroll Quigley.
Les hommes entourant Cecil Rhodes se caractérisent par un fait
majeur ; ils occupent les secteurs clefs de la société
britannique dans la deuxième moitié du XIXè siècle [30].
Ils ont déterminé l’avenir du monde d’une manière implacable.
Dans cette longue liste, nous retiendrons trois personnages.
Alfred Milner (1854-1925)
Une des figures de proue, successeur et fils spirituel de Cecil
Rhodes s’appelait Alfred Milner (1854-1925, appelé aussi Lord
Milner). Parmi ses nombreuses activités comme par exemple
directeur de la London Joint Stock Bank, il fut le chef du
cabinet de guerre du Premier ministre Lloyd George durant le
conflit de 1914-1918. Durant cette guerre mondiale, un événement
déterminant pour les générations futures se joua en novembre
1917. En effet, la « Déclaration Balfour » (Arthur James
Balfour, homme politique britannique) affirmait sous l’égide du
gouvernement britannique la reconnaissance d’un foyer juif en
Palestine. Cette reconnaissance fut officialisée directement par
une lettre adressée à Walther Rotschild qui était un
intermédiaire avec le mouvement sioniste en Grande-Bretagne. En
réalité, le véritable rédacteur de cette déclaration était
Alfred Milner. Comme l’explique Carroll Quigley, la
« Déclaration Balfour » devrait en fait s’appeler la
« Déclaration Milner » [31].
Philipp Kerr (1882-1940, devenu lord Lothian) fut le secrétaire
privé de Lloyd George. Autant dire qu’il était au cœur des
échanges politiques autour du Premier ministre anglais et était
une courroie de transmission pour l’ensemble du « groupe
Milner » [32].
Par la suite, il fut ambassadeur du Royaume-Uni à Washington.
Enfin, nous pouvons évoquer Lionel Curtis (1872-1955). Outre sa
participation aux travaux du Traité de Versailles, il est
l’auteur de l’expression « Commonwealth of nations » dont
l’application date de 1948. Comme le révèle Carroll Quigley,
cette expression est le résultat de travaux dont le but était de
préparer l’Empire britannique aux mutations politiques
conduisant à une organisation mondiale. Ces travaux appelant à
un Commonwealth remontent à 1916 [33].
Enfin, précisons que Lionel Curtis a joué un rôle déterminant,
en 1919, dans la création du think tank anglais, le Royal
Institute of International Affairs (RIIA appelé aussi Chatham
House).
La compréhension de la mécanique mondialiste se doit d’être
étudiée comme un immense puzzle. Il faut passer en revue chaque
pièce de ce puzzle puis ensuite les réunir afin d’avoir une vue
d’ensemble. C’est pourquoi, nous passons à un autre pan du
système en rappelant au lecteur qu’il doit conserver à l’esprit
ces différents éléments afin de reconstituer ensuite le tout. Ce
n’est qu’ainsi que l’on peut comprendre la « Bête ».
La société fabienne (Fabian society) [34]
La société fabienne [35]
est un institut qui a vu le jour à Londres en 1884 sous
l’impulsion de politique anglais comme Sydney Webb (1859-1947)
et de son épouse, Béatrice Webb, ou encore de l’écrivain
irlandais George Bernard Shaw (1856-1950). L’avant-garde de
cette société se fit sous l’influence de promoteur du socialisme
comme Robert Owen (1771-1858) [36]
qui transmit ses idées à John Ruskin (1819-1900, professeur à
l’université d’Oxford [37]
et qui influença Cecil Rhodes) [38].
D’autres personnes imprégnées d’un idéal socialiste chrétien
comme Frederik Derrison Maurice (1805-1872) ont posé les jalons
au cours du XIXè siècle ouvrant la voie à la fondation de la
société fabienne. Le choix de « fabien » (fabian) s’explique
puisqu’il se réfère au général romain de l’époque des guerres
puniques (vers – 200 av - JC), Fabius Cunctator (c’est-à-dire le
« temporisateur »). Face au général carthaginois Hannibal, le
militaire romain pratiquait la politique de guérilla qui
consistait à ne pas brusquer les choses afin d’atteindre son
but. C’est cette méthode de changement en douceur mais
implacable qui est la marque de fabrique de la société fabienne.
Celle-ci défend le principe d’une société sans classe devant
conduire à la synthèse du socialisme (l’Etat providence) et du
capitalisme (les lois du marché), le tout devant aboutir à la
mise en forme d’une économie monopolistique dans un cadre
étatique mondial. Afin de répondre aux ambitions de cette
société, ses dirigeants estiment qu’il faut y aller pas à pas
ou, selon leur expression, par « graduation ». L’influence de
cette société est immense car de nombreux politiques anglais ont
été membres de la société fabienne [39].
Cependant, cette influence a été d’autant plus importante que
cette société a été à l’origine de la création de la London
School of Economics (LES) en 1895 sous l’impulsion de Sydney
Webb. Cette prestigieuse école de formation économique qui s’est
diversifiée par la suite a formé, dans un esprit fabien, des
générations de dirigeants anglais, mais aussi de nombreux
étudiants de part et d’autre de la planète. Ceux-ci sont souvent
devenus par la suite des acteurs majeurs de la vie politique et
économique de leurs pays. Ainsi, l’ancien président de la
Commission européenne, Romano Prodi ; le président John
Kennedy ; la reine du Danemark Margarethe II ; Pierre Trudeau
(Premier ministre canadien) ; le lobbyiste et membre de
plusieursthink tanks Richard Perle (« le prince des
ténèbres ») ; le financier George Soros (fondateur des instituts
Open Society) ; l’ancien conseiller de François Mitterrand, Erik
Orsenna et même le chanteur des Rolling stones, Mike Jagger (il
n’a fait qu’un an ! [40]),
ont fréquenté les bancs de cette école. Cette dernière grâce à
l’action de la société fabienne a contribué au formatage de
nombreux esprits de part le monde. Cependant, l’influence de
cette société a été variée, entre autres grâce à l’action d’un
de ses membres, l’écrivain Herbert George Wells (1866-1946).
H.G. Wells (1866-1946)
Imprégné de l’idéal fabien, H.G Wells a su développer ses vues
dans de nombreux livres. Auteur à succès comme L’Homme
invisible, La Machine à remonter le temps ou encore La
Guerre des mondes, cet écrivain anglais a su répandre ses
convictions dans un ouvrage paru en 1928,Open conspiracy(« conspiration
ouverte ») [41]
, prônant un Etat mondial sans classe, contrôlant tout (« une
nouvelle communauté humaine » selon son expression),
encourageant la réduction drastique de la population mondiale et
la pratique de l’eugénisme. En fait, dès le début, H.G Wells a
présenté ses théories dans un ouvrage méconnu et dont le titre
correspond exactement à la formule maçonnique Ordo ab chao : La
Destruction libératrice. Paru en 1914, cet ouvrage raconte
l’histoire d’une guerre généralisée aboutissant à la création
d’un Etat mondial constitué en 10 blocs (« 10 circonscriptions »
selon la formule de l’auteur [42]).
C’est dans ce livre – rappelons-le paru en 1914 – que l’on
retrouve l’expression « Nouvel ordre mondial » [43].
Par la suite, H.G Wells a récidivé en publiant un livre en 1940
au titre sans équivoque :Le Nouvel ordre mondial [44].
Tous ses représentants fabiens fréquentaient et collaboraient de
près ou de loin avec l’équipe de Cecil Rhodes puis de Lord
Milner. Un véritable esprit de corps en faveur d’un but commun,
un Etat mondial, animait ces différentes personnes. Ces élites
anglo-saxonnes, qui ne sont que la suite logique de ces
aristocraties commerciales du Moyen-Âge, ont continué à
rassembler leurs forces au sein d’autres clubs comme la Pilgrim
Society en 1902 à Londres et à New York [45].
La vitesse supérieure fut atteinte, en 1910, avec la création de
la Round Table.
La Round Table et ses « enfants » [46]
La création de la Round Table [47],
qui n’est finalement que l’héritière d’un passé multiséculaire
de traditions mystiques, financières et élitistes, fut une étape
décisive dans les préparatifs devant mener à un Etat mondial. En
effet, sous l’impulsion de Lord Milner et de ses proches, cet
institut haut de gamme fut créé en liaison avec les élites
financières américaines afin d’assurer la prééminence du monde
anglo-saxon devant aboutir à la création d’un Etat mondial.
D’autres Round Tables furent créées dans tous les dominions de
l’Empire britannique mais aussi aux Etats-Unis. Prenant la suite
des ambitions de Cecil Rhodes, des financiers de renom
encadraient l’équipe de Lord Milner comme Alfred Beit
(1853-1906), Sir Abe Bailey (1864-1940) et la famille Astor.
D’autres groupes se sont ajoutés au berceau du mondialisme
animée par la Round Table : J.P Morgan [48],
la banque Lazard ou encore les familles Rockefeller et Whitney [49].
Avant de continuer dans l’étude des « bonnes œuvres » de la
Round Table, il s’avère nécessaire de faire le point suivant.
Ces grandes familles du mondialisme, même animées par une
finalité commune, n’en sont pas moins déchirées par des
dissensions internes. On peut en relever essentiellement deux.
La première est aussi vieille que le monde ; elle s’appelle
rivalités internes. Les rivalités d’ambitions et d’ambitieux
cherchant plus de pouvoir, plus d’influence et plus de richesses
afin d’occuper les meilleurs places ont émaillées l’histoire de
cette aristocratie commerciale. Ce phénomène est aussi vieux que
l’histoire humaine. En revanche, le deuxième point est propre à
la Round Table. En effet, sous l’apparente unité de vue se
cachent deux courants de pensée. Dans les deux cas, ces courants
poursuivent le même but : l’Etat mondial. Cependant, dans un
cas, un courant défend le principe de la constitution d’un bloc
anglo-saxon unifié (Empire britannique associé aux Etats-Unis) ;
ce socle anglo-américain représentant la colonne vertébrale
permettant au reste du monde de s’y agréger. Dans le deuxième
cas, l’autre courant estime qu’il n’est pas nécessaire de
privilégier la naissance d’un Empire anglo-saxon comme point
d’ancrage à un monde unifié. Il prône plutôt l’émergence d’un
monde où aucun pays ne serait en mesure d’imposer sa loi ou sa
philosophie politique. Il s’agit pour les tenants de la deuxième
voie de créer une sorte de « purée » générale unifiant
l’humanité entière en un seul bloc et sans distinction aucune.
Nous avons là l’opposition entre les tenants du mondialisme
anglo-saxon à celui des partisans du mondialisme planétarien.
La Première Guerre mondiale fut une bascule d’un monde à un
autre. Même s’il n’est pas possible d’évoquer dans le détail le
rôle essentiel des élites anglo-américaines durant ce conflit [50],
nous pouvons relever la mission déterminante du suédois Olof
Aschberg (1877-1960) à la tête de la banque Nya Banken de
Stockholm. Il fut le grand financier servant d’intermédiaire
entre les élites de Wall Street et de la City d’un côté et les
dirigeants bolcheviques de l’autre. Son surnom était le
« banquier de la Révolution mondiale ». Comme le rappelle Antony
Sutton, la banque d’Olof Aschberg avait une filiale à Londres,
la Bank of North Commerce, dont le président Earl Grey
appartenait tout simplement à l’équipe de Cecil Rhodes et de
Lord Milner [51].
Ce dernier joua aussi un rôle capital au sein de l’oligarchie
anglo-saxonne. En effet, outre son activité susmentionnée, c’est
Lord Milner qui sut convaincre le Premier ministre Lloyd George
de soutenir fermement la révolution bolchevique. Cette évolution
capitale pour l’avenir du monde s’est faite suite à la visite à
Londres, à la fin de l’année 1917, de William Boyce Thompson
(1869-1930) accompagné d’un représentant de JP Morgan, Thomas W.
Lamont (1870-1948) [52].
Membre du comité directeur de la Banque fédérale US (la Fed),
W.B Thompson fut un agent au service de l’oligarchie au sein de
la Croix-Rouge états-unienne présente à Petrograd en 1917. Cette
couverture lui permit de fournir entre autres la somme énorme
pour l’époque d’un million de dollars aux bolcheviques [53].
Sur le chemin du retour vers New York, il fit une halte à
Londres pour soumettre un mémorandum à Lloyd George appelant au
soutien de la révolution bolchevique. Lord Milner, grand
admirateur de Karl Marx, ne fit qu’appuyer William Boyce
Thompson dans sa démarche afin de faire plier Lloyd George. La
révolution bolchevique n’aurait pas pu voir le jour sans
l’action déterminante de l’oligarchie commerciale
anglo-américaine [54].
La fin de la Première Guerre mondiale s’ouvrit sous les auspices
des puissances commerciales anglo-saxonnes victorieuses et d’une
France humainement et financièrement exsangue. Le Traité de
Versailles n’assura pas la sécurité de la France face à une
Allemagne amoindrie et dépendante largement des prêts
anglo-saxons accordés à son économie. La paralysie de la France
face aux grands argentiers anglo-saxons s’aggrava lorsque ces
derniers accordèrent des prêts via les plans Dawes (1924) et
Young (1928) qui, tout en plaçant l’économie allemande sous la
dépendance des banques londoniennes et new-yorkaises [55],
furent déterminants dans le renforcement de la puissance
industrielle germanique. En effet, de gigantesques combinats de
l’acier et de la chimie, indispensables pour faire la guerre,
virent le jour (IG Farben et Vereinigte Stahlwerke) au cours de
la décennie 1920. La défaite française en 1940 trouve son
origine en partie à l’action des financiers anglo-saxons en
faveur du redressement économique et technique de l’Allemagne
(en particulier l’acier, l’essence synthétique et le
caoutchouc) [56].
Colonel Edward Mandell House (1854-1938)
Parallèlement à cette politique, les élites anglo-américaines
décidèrent de préparer dès les années 1918-1919 une mutation de
la Round Table. En effet, pour des raisons de plus grande
efficacité, il fut décidé de créer deux think tanks de
part et d’autre des rives de l’Atlantique chargés d’être les
moteurs de la politique étrangère des deux pays. Côté anglais,
ce fut la création en 1919 sous l’égide de Lionel Curtis et
collaborateur de Lord Milner du Royal Institute of International
Affairs (RIIA, appelé aussi Chatham House) [57].
C’est ce même Lionel Curtis qui prônait un Commonwealth
fédératif capable peu à peu d’intégrer différents pays du
globe [58].
Ces objectifs étaient défendus aux Etats-Unis par Clarence
Streit (1896-1986) [59],
correspondant du New York Times auprès de la Société des
Nations (bourse d’études Cecil Rhodes, promotion 1920) et le
représentant états-unien du « groupe Milner », Frank Aydelotte [60].
Côté américain, il fut créé le Council on Foreign Relations
(CFR) [61]en
1921 sous l’égide d’un personnage central, le colonel Edward
Mandell House (1854-1938). Conseiller intime du président
Wilson [62],
ce personnage fut la plaque tournante entre le groupe Milner et
les « grands » de Wall Street (JP Morgan, Vanderlip,
Rockefeller, Warburg, …). Dans cette liste incomplète, nous
pouvons relever le nom important de Paul Warburg qui fut à la
tête de la réserve fédérale US (la Fed) dès sa création en 1913.
Cette banque privée, indépendante du pouvoir central et
responsable de l’émission monétaire [63],
est un Etat dans l’Etat. Or, c’est le même Paul Warburg qui
dirigea le CFR dès sa création. Nous avons affaire à un
enchevêtrement de responsabilités de premier ordre au sein de
l’oligarchie anglo-saxonne d’autant plus que nous serons obligé
d’évoquer encore Paul Warburg dans le paragraphe suivant
consacré à la Paneurope.
L’action du colonel House est à compléter en citant une œuvre
maîtresse dans la mystique mondialiste, son livre intituléPhilip
Dru, administrator [64].
Ecrit en 1912, cet ouvrage évoque un coup d’Etat par un officier
de West Point (Philip Dru) qui impose une dictature aux
Etats-Unis tout en supprimant la constitution du pays. A
l’instar de Lord Milner, le colonel House n’hésite pas à évoquer
ses convictions profondes en affirmant que son héros met en
place « un socialisme tel que l’aurait rêvé Karl Marx ». Il
évoque même dans le chapitre 52 l’idéal d’unification de tout le
bloc Nord-américain. C’est chose acquise depuis le lancement
officiel du projet à Waco au Texas en mars 2005 comme nous le
présentions au début de ce texte. Force est de constater que ces
élites ont annoncé la couleur des événements il y a plus de cent
ans. La toile mondialiste a su renforcer son influence grâce à
la naissance d’un institut appelé à jouer un rôle de premier
plan dans la construction européenne : la Paneurope.
La Paneurope, tremplin du mondialisme
La création de la Paneurope est due à l’action d’un aristocrate
autrichien née d’une mère japonaise, Richard de
Coudenhove-Kalergi (1894-1972). L’objectif déclaré de Coudenhove
était d’empêcher les horreurs de la Première Guerre mondiale de
se reproduire. Cette intention louable n’était que l’arbre qui
cachait la forêt. En effet, très tôt, Coudenhove indiqua
clairement la direction prise par son mouvement en élaborant un
rapport à la SDN présenté en 1925. Son but était d’unifier
l’Europe afin de l’intégrer dans le cadre d’une organisation
politique mondiale unifiée. Pour cela, il évoquait dans son
rapport la nécessité de créer des « continents politiques »,
l’ensemble devant constituer une fédération de fédérations dans
la pensée de l’auteur [65].
Ses affirmations fédéralistes rejoignent largement celles de la
société fabienne. Continuant sur sa lancée, Coudenhove organise
en 1926 le premier congrès paneuropéen à Vienne sous l’égide de
son président d’honneur, le président du conseil Aristide Briand
(1862-1932) [66].
C’est lors de ce congrès réunissant plusieurs nationalités [67]
qu’il fut décidé de choisir un hymne européen, l’Ode à la
joie de Beethoven [68],
qui est devenu par la suite l’hymne de l’Union européenne. Les
objectifs de la Paneurope sont clairement affichés dans le cadre
des « Principes fondamentaux » qui stipulent entre autres :
« (…)
L’union paneuropéenne se déclare attachée au patriotisme
européen, couronnement des identités nationales de tous les
Européens.
A l’époque des interdépendances et des défis mondiaux, seule une
Europe forte et politiquement unie peut garantir l’avenir de ses
peuples et entités ethniques. L’union paneuropéenne reconnaît
l’autodétermination des peuples et le droit des groupes
ethniques au développement culturel, économique et politique
(…) » [69].
Richard de Coudenhove-Kalergi (1894-1972)
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, R. de Coudenhove-Kalergi
réfugié aux Etats-Unis put enseigner dans le cadre d’un
séminaire — Research for a postwar european federation
(« recherche pour une fédération européenne d’après-guerre ») —
favorable au fédéralisme européen à la New York University. De
retour en Europe en 1946, il contribua largement à la création
de l’Union parlementaire européenne permettant par la suite la
création, en 1949, du Conseil de l’Europe [70].
Renforçant son influence sur tous les Etats, cette organisation
européenne chapeaute des représentations nationales chargées de
diffuser l’idéal de son fondateur [71]
qui, après avoir reçu en 1950 la plus haute distinction
européiste le Prix Charlemagne [72],
a passé le relais à Otto de Habsbourg en 1972 puis à Alain
Terrenoire.
On peut mieux comprendre l’impact de la Paneurope en
s’intéressant au nerf de la guerre : l’argent. Les sources de
financement de cet institut expliquent les profondes connivences
de son dirigeant avec les autres acteurs du mondialisme. En
effet, outre des mécènes industriels et financiers, R. de
Coudenhove-Kalergi bénéficia du soutien du banquier Max Warburg,
représentant de la banque allemande à Hambourg. Comme nous
l’avons vu ci-dessus, son frère Paul (la branche états-unienne)
était à la tête de la Fed et du CFR. On comprend tout de suite
que R. de Coudenhove-Kalergi eut carte blanche pour coopérer
avec les milieux financiers de Wall Street et leurs homologues
londoniens. Cette connivence entre le fondateur de la Paneurope
et les autres milieux mondialistes était d’autant plus grande
que Max Warburg était membre du comité directeur d’IG Farben
Allemagne tandis que son frère, Paul Warburg, était membre de la
branche US d’IG Farben [73].
L’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, comme l’explique Antony
Sutton, s’explique par les nombreux soutiens des industriels et
financiers anglo-saxons via leurs homologues allemands. Dans
cette affaire, le directeur de la Reichsbank, Hjalmar Schacht
(1877-1970), fut un intermédiaire de première main. Son action
fut d’autant plus profonde qu’il fut le ministre de l’Economie
du IIIè Reich de 1934 à 1939. Le relèvement économique de
l’Allemagne dû à son action permit à Hitler de poursuivre une
politique
qu’il n’aurait jamais pu exercer sans la remise à niveau du
pays. De tels méfaits auraient dû le conduire à la peine de mort
lors du procès de Nuremberg. Il n’en fut rien puisqu’il fut
acquitté. En fait, Hjalmar Schacht était lié fortement à
l’aristocratie commerciale anglo-saxonne. Son père,
l’Etats-unien William Schacht, avait travaillé 30 ans au sein de
la filiale d’Equitable Life Assurance de Berlin [74].
Son fils était donc dès sa naissance dans le sérail du système
mondialiste. Ceci est encore plus renforcé lorsqu’on sait que
Hjalmar Schacht était depuis 1918 au comité directeur de la
Nationalbank für Deutschland (« Banque nationale d’Allemagne »),
au côté du banquier Emil Wittenberg qui était en même temps
membre du comité directeur de la première banque soviétique
créée en 1922, la Ruskombank [75].
Celle-ci était dirigée par le banquier suédois … Olof Aschberg [76]
précédemment vu.
Pour continuer dans le tournis, nous pouvons préciser que le
directeur de la section étrangère Ruskombank, l’Etats-unien Max
May [77],
était le vice-président de Guaranty Trust Company, une filiale
d’un des piliers de Wall Street, JP Morgan [78].
Dans cette affaire, un haut représentant américain de Wall
Street travaillait donc au sein de l’élite bancaire soviétique.
Pour compléter le tout, la collaboration d’Hjalmar Schacht avec
ce milieu était renforcée par ses liens d’amitié avec le patron
de la banque d’Angleterre Norman Montagu. On comprend mieux
qu’Hjalmar Schacht [79]
n’ait pas été vraiment inquiété au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale.
Le soutien apporté par cette aristocratie commerciale et
apatride anglo-saxonne au communisme, au nazisme ainsi qu’à la
prise du pouvoir par Franklin Delano Roosevelt [80],
relaté dans la trilogie Wall Street d’Antony Sutton,
était aussi des formes d’expériences de laboratoires agissant
dans un cadre local (Union soviétique, Allemagne nazie et
Etats-Unis [81]).
Sous une appellation différente, Antony Sutton en conclut que
ces idéologies, appelées diversement « socialisme soviétique »,
« socialisme collectif » (pour le national-socialisme) et
« socialisme de la nouvelle donne » (New Deal), n’étaient
que des mises en forme d’un socialisme monopolistique ; idéal
d’organisation qui doit désormais voir le jour à l’échelle
planétaire dans le cadre du « nouvel ordre mondial ». La guerre
de 1939-1945 résultant de tout ce travail d’arrière-fond permit
le basculement vers un autre monde ; l’instauration de deux
blocs apparemment antagonistes obéissant parfaitement au
principe hégélien de la thèse et de l’antithèse. Cependant, ces
deux mondes étant irrigués par les mêmes sources financières, il
était possible de poser les jalons devant permettre la
réalisation de l’Etat mondial.
L’après 1945, des lendemains qui chantent
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nous pouvons relever
trois dates essentielles dans l’immédiate après-guerre : 1946 ;
1947 et 1948. C’est le Premier ministre britannique, Winston
Churchill qui a relancé l’idée d’unification de l’Europe dans un
discours prononcé à Zürich, le 19 septembre 1946. En effet, il
n’hésita pas à affirmer : « Il nous faut édifier une sorte
d’Etats-Unis d’Europe » [82].
Ces propos ravirent Richard de Coudenhove-Kalergi qui était
soutenu par Churchill. Le fondateur de la Paneurope s’activant
de son côté à la relance de l’idéal européen exposa l’histoire
de son oeuvre et des projets à accomplir dans un ouvrage
intitulé J’ai choisi l’Europe.
Dans ce livre, Coudenhove bénéficia de la préface de … Winston
Churchill.
Winston Churchill (1874-1965)
La deuxième étape avec la réunion à Montreux en Suisse, en août
1947, constitue un passage décisif vers le renforcement des
fondations de l’Etat mondial en préparation. En effet, divers
représentants européens [83]
et états-uniens [84]
acquis aux principes d’un fédéralisme mondial se sont accordés
pour créer deux instituts, sous l’égide du juriste suisse Max
Habicht [85],
dont l’efficacité se fait largement sentir : le « Mouvement
fédéraliste mondial » (World federalist movement, WFM) et l’
« Union des fédéralistes européens » (Union of European
Federalists, UEF).
Le WFM a présenté sa magna carta, lors de la réunion de
Montreux, favorable à l’établissement de principes clefs afin
d’instaurer un Etat mondial à base fédérative. Force est de
constater que 63 ans après leurs formulations, leurs vœux sont
largement exaucés. Il est, en effet, affirmé que « Nous,
fédéralistes mondiaux, sommes convaincus que la création de la
confédération mondiale est le problème capital de notre temps.
Tant qu’il n’aura pas été résolu, toutes les autres questions —
nationales ou internationales — resteront sans réponses
valables. Ce n’est pas entre la libre entreprise et l’économie
dirigée, le capitalisme et le communisme qu’il s’agit de
choisir, c’est entre le fédéralisme et l’impérialisme ». Dans la
foulée, cette Déclarationpropose entre autres les
principes suivants : « limitation des souverainetés nationales »
avec « transfert à la Confédération des pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire », « création d’une force armée
supra-nationale » ; en précisant en particulier ce fait d’une
très grande actualité en ce début de XXIè siècle qu’ « une juste
perspective fédéraliste doit intégrer les efforts faits sur les
plans régional et fonctionnel. La formation d’unions régionales
(ndlr : souligné par nous) — dans la mesure où elles ne
constituent pas une fin en soi et ne risquent pas de se
cristalliser en blocs — peut et doit contribuer au bon
fonctionnement de la Confédération mondiale ». A la fin de
cette Déclaration, il est précisé de favoriser la
création d’une « Assemblée constituante mondiale » [86].
Parallèlement à la création du WFM, l’Union des fédéralistes
européens (UEF) vit le jour à Montreux. Cependant, des travaux
d’avant-garde avaient déjà préparé le terrain. En effet, sous
l’influence de la Paneurope de R. de Coudenhove-Kalergi, il fut
fondé en 1934 Europa Union défendant l’idéal d’une Europe
unifiée selon le principe fédéral et inspiré du modèle suisse [87].
Quatre ans plus tard, en novembre 1938, fut créée sous
l’influence des fabiens Lord Lothian et Lionel Curtis, Federal
Union [88].
Cette dernière est une branche de l’UEF au même titre que le
sont les différentes « filiales » française (l’UEF France),
allemande (Europa Union Deutschland), italienne (UEF Italie)
etc. Précisons que, pareil au principe des poupées russes, l’UEF
est une branche du World Federalist Movement (WFM) [89].
Par conséquent, nous avons là un institut européen oeuvrant en
faveur du fédéralisme et qui épouse en même temps les travaux du
WFM mais à l’échelle planétaire. Pourquoi est-il si important
d’évoquer la mission de l’UEF ? Cet institut fédéraliste est
dirigé par l’Anglais Andrew Duff, député au Parlement européen
sous l’étiquette des « démocrates libéraux » [90].
Il est membre aussi du European Council on Foreign Relations
(l’ECFR, « Conseil européen des relations étrangères ») [91]
créé en 2007 [92],
jumeau européen du CFR états-unien fondé en 1921. Andrew Duff
est aussi celui qui, en collaboration étroite avec la Fondation
Bertelsmann et le député autrichien Johannes Voggenhuber, a
permis la relance du projet de constitution européenne après
l’échec des référendums français et hollandais en 2005 [93].
Le Traité de Lisbonne n’aurait pas pu voir le jour — du moins
plus difficilement — sans l’appui et les convictions d’Andrew
Duff. Par ailleurs, force est de constater que l’influence
outre-tombe d’un Cecil Rhodes et d’un Lord Milner s’est faite
sentir lors de l’élaboration de la constitution européenne (dite
« Constitution Giscard » prélude au Traité de Lisbonne) en
2003-2004. En effet, le « groupe Milner » et les fabiens ont
toujours été favorables à l’unification de l’Europe à condition
que cela se fasse sous direction anglo-saxonne. Au cours des
deux guerres mondiales, les tentatives d’unité européenne sous
direction allemande, puissance terrestre, ne pouvaient pas être
acceptées par Londres et par Washington car la thalassocratie
anglo-saxonne se retrouvait exclue des affaires du vieux
continent. Richard de Coudenhove-Kalergi l’avait parfaitement
compris à la lecture de son discours en 1950. Par conséquent, il
est utile de s’intéresser au secrétaire général chargé de
téléguider les travaux de la « Constitution Giscard », l’Anglais
John Kerr. Son Curriculum vitae révèle qu’il est à la
tête d’une compagnie pétrolière, la Royal Dutch Shell, et qu’il
a été aussi ambassadeur de Grande-Bretagne aux Etats-Unis. Ses
liens avec l’aristocratie commerciale anglo-saxonne révèlent
aussi qu’il est membre du comité directeur chargé du recrutement
des élites dans le cadre des « bourses d’études Cecil Rhodes » [94].
Comme on peut le constater, la réussite de l’entreprise
mondialiste est une affaire de temps ; mais ils y arrivent.
Enfin, le Congrès de la Haye (7-10 mai 1948) sous la présidence
d’honneur de Winston Churchill et réunissant près de 800
militants pro-européens [95]
a posé les premiers fondements d’une Europe unifiée. La figure
de proue de ce Congrès fut le secrétaire général Joseph Retinger
(1888-1960). Les vrais acteurs de l’histoire sont souvent dans
les coulisses. C’est le cas de Retinger travaillant au service
du CFR et du RIIA dont l’action fut déterminante dans le
développement des structures mondialistes [96]
Réunion du Groupe de Bilderberg (Bruxelles, juin 2000)
Bilderberg, New age et Trilatérale
La première réunion du Bilderberg eut
lieu au Pays-Bas à Oosterbeck en mai 1954. Il est convenu que
l’appellation de ce groupe élitiste résulte du nom de l’hôtel où
résidaient les intervenants. Cependant, certains doutes
persistent. Il n’empêche que sa création est due largement à
l’action de Joseph Retinger même s’il faut y ajouter des
« huiles » du mondialisme comme l’incontournable David
Rockefeller (président du CFR, de la Chase Manhattan Bank, …).
Les bilderbergers représentent la « crème de la crème » du
sérail politique, économique et financier du monde atlantiste.
Les médias occidentaux n’évoquent que très rarement leurs
réunions et diffusent encore moins des reportages [97].
Les règles d’organisation et d’intervention des participants se
calquent directement sur celles régissant le Royal Institute of
International Affairs (RIIA, principe appelé « règle de Chatham
House »). Là aussi, la famille Rhodes et Milner a laissé des
traces. En fait, ces élites au sein du Bilderberg conditionnent
largement la marche des affaires politiques, économiques et
financières. Le cas du Belge Etienne Davignon est
particulièrement frappant. Vice-président de la Commission
européenne de 1981 à 1985, il est le grand pacha de ce groupe
élitiste. Or c’est lui qui a invité l’homme politique belge
Herman van Rompuy a passé un oral pour le poste de président du
Conseil européen à pourvoir devant les représentants du
Bilderberg, le 12 novembre 2009, en particulier devant l’ancien
secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger, à Val Duchesse dans
la banlieue de Bruxelles [98].
En gros, il fallait savoir si Herman van Rompuy était capable
d’être utile au système. L’oral a dû se passer correctement
puisqu’il fut retenu … bon pour le service.
Prince Bernhard van Lippe-Biesterfeld (1911-2004)
Le choix du premier président du Bilderberg, le prince Bernhard
(1911-2004), par Joseph Retinger et ses affiliés ne relève pas
du hasard. En effet, ce prince allemand était au début des
années 1930 membre de la SS, plus précisément, membre de la
Reiterkorp SS (cavalerie) ainsi que membre du Farben Bilder, une
filiale d’I.G Farben. Marié en 1937 à l’héritière du trône des
Pays-Bas, la princesse Juliana, sa fille la reine Béatrix est
une active participante des réunions du Bilderberg. Le passé
plus que trouble du prince Bernhard et sa nomination à la
direction du Bilderberg étaient aussi une manière de le tenir.
En effet, il est plus facile de téléguider une personne vers des
buts bien définis à partir du moment où il traîne des
« casseroles ». Le choix de ce prince allemand naturalisé
hollandais était sûrement d’une grande importance car il fut
utilisé dans un autre secteur. Nous devons aborder un sujet
tenant à cœur les théoriciens du mondialisme : l’écologie.
La protection légitime de la faune et de la flore prend un tour
déréglé sous l’action des partisans du nouvel ordre mondial. En
effet, la dérive des esprits conduit à une divinisation de la
nature propre au mouvement new age. C’est le principe de
« gaïa » identifié à la « terre-mère » [99].
De nombreux instituts propagent ce tour d’esprit philosophique
en particulier le WWF (World Wild Fund for nature), institut
promouvant la protection de la nature. Sa création en 1961 est
due au travail de personnages membres du sérail mondialiste.
En effet, nous devons évoquer les frères Aldous et Julian
Huxley. Aldous Huxley est l’auteur d’un livre prophétique, Le
Meilleur des mondes, paru en 1931 et qui est un véritable
programme politique mondialiste sous une apparence de roman
fiction. Evoquant un Etat mondial composé d’une humanité soumise
et hiérarchisée suite à des manipulations génétiques, son auteur
passa sa vie à faire usage des drogues les plus diverses afin
d’atteindre une « forme de mysticisme ». Ces délires
caractérisant ce milieu touchèrent aussi son frère, Julian
Huxley, partisan de l’eugénisme et qui devint le premier
président de l’UNESCO (éducation, science et culture) en 1946.
Cette tournure d’esprit propre aux frères Huxley est due à
l’influence du grand-père paternel, Thomas Huxley (1825-1895).
Ce biologiste farouche défenseur des principes darwiniens [100]
transmit ces concepts à ses petits-fils qui surent en faire
profiter le monde entier. Ajoutons que le réseau et les liens
unissant la famille mondialiste sont vraiment étroits puisqu’un
des étudiants de Thomas Huxley s’appelait …
H.G Wells [101].
Ce passage de relais de génération en génération permet de mieux
comprendre cette permanence du mondialisme ainsi que sa montée
en puissance. Nous pouvons désormais relier l’action passée de
ces hommes à la fondation du WWF en 1961. En effet, sa création
est due à Julian Huxley [102].
Le WWF contribue à répandre cet idéal panthéiste et constitue
une des branches d’action du mondialisme. Est-ce un hasard
d’apprendre que le premier président du WWF fut le dirigeant du
Bilderberg, le prince Bernhard [103]
(président de 1962 à 1976). D’autres présidents se sont succédés
à la tête du WWF comme John Loudon qui fut comme John Kerr
président de la compagnie pétrolière, la Royal Dutch Shell. Ce
conglomérat pétrolier anglo-hollandais est une des pépinières du
nouvel ordre mondial. Précisons aussi que le Prince Philippe,
époux de la reine d’Angleterre Elisabeth II, dirigea le WWF de
1981 à 1996.
David Rockefeller, Sr. (1915-…)
Nous pouvons ajouter à cette liste d’acteurs issue d’une longue
tradition politico-commerciale, le rôle de la Trilatériale.
Créée en 1973 par David
Rockefelleret Zbigniew
Brzezinski(membres
du CFR), ce dernier est le mentor du président Obama. Cet
institut regroupe trois zones géographiques économiquement
développées : l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon.
Rappelant l’appui de Français comme Simone Veil, Robert
Marjolin, Raymond Barre ou encore Hubert Védrine,
Brzezinski ajoute que les Etats sont « face à des problèmes de
plus en plus partagés — financiers, économiques et stratégiques
— et qu’ils sont de moins en moins en mesure de régler, sans au
moins se concerter plus étroitement, dans leur propre intérêt et
dans celui du reste du monde ». Afin d’affronter ces défis,
l’auteur précise même que la Trilatérale a été à l’origine de la
création du G7 [104].
Les accointances de la Trilatérale avec le monde industriel et
le monde des think tanks sont avérés en particulier avec le
réseau politique transatlantique (le TPN) [105].
En effet, le président de la branche européenne de la
Trilatérale, Peter Sutherland, est aussi le président de la
branche européenne du TPN. Cet Irlandais fut aussi le patron de
Goldman Sachs qui régit en sous-main la politique économique du
président Obama et, entre autres, commissaire à la concurrence
de 1985 à 1989 sous la présidence de Jacques Delors [106].
Petite cerise sur le gâteau, Peter Sutherland est aussi le
directeur de l’école fabienne la London School of Economics [107].
Le tour du propriétaire sera complet en ajoutant que John Kerr —
que nous avons vu ci-dessus — est aussi membre de la Trilatérale
Europe [108].
Comme nous pouvons le constater, les élites politiques et
économiques convergent depuis longtemps vers l’édification d’un
ordre mondial unifié [109].
Cependant, le tour ne serait pas complet si on n’évoquait pas
les déclarations des autorités de l’Eglise catholique.
Une Eglise catholique au service du nouvel ordre mondial
Que l’on soit croyant ou pas, l’étude des principes animant une
Eglise doit se faire avec objectivité. Il faut étudier les
préceptes qu’elle défend et observer si les propos et les
actions qu’elle mène sont en conformité ou pas avec son corps de
doctrine. Dans le cas de l’Eglise catholique, le concept défendu
depuis 2000 ans s’appuie sur la primauté de Dieu sur l’homme.
Les Ecritures et la Tradition constituent le socle intouchable,
le dépôt de la foi selon les termes consacrés, définies par le
successeur de saint Pierre, le pape. L’homme marqué du péché
originel doit se conformer à une autorité supérieure et obéir à
l’ensemble des préceptes défendus par l’Eglise catholique. Ces
principes sont immuables. Quand on n’est pas d’accord avec ces
principes, on quitte l’Eglise catholique. C’est le cas des
multiples Eglises protestantes. Cependant, un changement
fondamental s’est produit avec le concile Vatican II
(1962-1965). Ce concile est le résultat d’un long courant de
réflexions animant de nombreux hommes d’Eglise mais aussi hors
de l’Eglise dès le XIXè siècle. Après un long combat entre les
défenseurs de la Tradition et les progressistes ; ces derniers
ont pu imposer leur vision lors de la grande réforme de Vatican
II. Pour ces partisans, il s’agit d’adapter l’Eglise aux
multiples innovations politiques, techniques et sociales
marquant l’évolution du monde. Pour les défenseurs de la
Tradition, c’est tout l’inverse. C’est au monde de s’adapter aux
principes de l’Eglise. Cette humanisation de l’Eglise passant
par la promotion des droits de l’homme et sa collaboration avec
les instances internationales ont été clairement affichées en
1963 dans l’encyclique du pape Jean XXIII, Pacem in terris [110].
Rappelant les progrès de la science et des techniques conduisant
à « intensifier leur collaboration et à renforcer leur union »
au sein du genre humain ; il s’agit de renforcer le « bien
commun universel » que les Etats ne peuvent plus assurer selon
l’encyclique. C’est pourquoi, le document ajoute en toute
logique que « De nos jours, le bien commun universel pose des
problèmes de dimensions mondiales. Ils ne peuvent être résolus
que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution
et les moyens d’action prennent eux aussi des dimensions
mondiales et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue
de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la
constitution d’une autorité publique de compétence
universelle ».
Souhaitant que ce « pouvoir supranational ou mondial » ne soit
pas instauré de force, l’encyclique approuve la Déclaration
des droits de l’homme de 1948 en dehors de quelques
objections. Elle ajoute que « Nous considérons cette Déclarationcomme
un pas vers l’établissement d’une organisation
juridico-politique de la communauté mondiale » [111].
Ce changement de direction de l’Eglise catholique est la marque
de fabrique de tous les papes depuis Vatican II. Lors de son
message de Noël en 2005, Benoît XVI a encouragé les hommes à
s’engager « dans l’édification d’un nouvel ordre mondial » [112]
.
Il est donc tout à fait logique que Benoît XVI ait appelé à
l’instauration d’une « autorité politique mondiale » dans son
encyclique Veritas in caritate [113]
en juillet 2009. Rappelant l’interdépendance mondiale, le pape
appelle à « l’urgence de la réforme de l’Organisation des
Nations Unies comme celle de l’architecture économique et
financière internationale en vue de donner une réalité concrète
au concept de famille des nations (…) » [114].
Vers une assemblée parlementaire mondiale
La création de grandes unions politiques régionales régies par
des lois communes constituant les différentes composantes de
l’Etat mondial se doit d’être représentée au sein d’une
assemblée unique. C’est tout l’enjeu de « l’Assemblée
parlementaire des Nations Unies » (l’APNU) [115].
Cette ambition est la suite logique des rêves d’unification du
monde défendue par les théoriciens du mondialisme (fabiens et
consort). Rien ne surgit au hasard. Les événements, les
personnages et les instituts du passé produisent leurs fruits
conduisant à parachever l’édifice babélien. Par conséquent,
l’action du WFM (World Federalist Movement), dont nous avons vu
la création en 1947 à Montreux, poursuit tout logiquement le
travail qui est le sien. Ainsi, le WFM est à l’origine, en 1992,
de l’élaboration du premier grand document appelant à
l’établissement d’une Assemblée parlementaire mondiale au sein
des Nations Unies : The case for a United Nations
Parliamentary Assembly (« L’objet d’une Assemblée
parlementaire des Nations Unies ») du Canadien Dieter Heinrich [116].
De nombreux travaux et conciliabules se sont déroulés par la
suite au sein du sénat canadien, du parlement européen, lors du
Forum du Millénaire en 2000 à New York, du 12è congrès de
l’Internationale socialiste etc, pour enfin aboutir à la
création en septembre 2003 au « Comité pour une ONU
démocratique ». Nous sommes obligé de donner la version en
allemand car, comme nous allons le voir, les autorités
politiques allemandes jouent un rôle de premier plan : Komitee
für eine Demokratische UNO (KDUN) [117].
Le KDUN est la figure de proue au sein d’un comité exécutif [118]
oeuvrant en faveur d’un Parlement mondial. En effet, ses travaux
sont secondés par un autre institut déjà mentionné, le WFM. A
cela, il faut ajouter « la Société des peuples menacés »
(Gesellschaft für bedrohte Völcker), institut allemand oeuvrant
en faveur de l’émancipation des groupes ethniques et qui
travaille main dans la main avec l’UFCE (l’Union Fédéraliste des
Communautés Ethniques Européennes) [119]
et une ONG anglaise, le 2020 Vision Ltd [120].
Le KDUN dont le siège est à Berlin annonce la couleur en
précisant dans ses statuts sa volonté de construire une société
cosmopolitique et favorisant les intégrations continentales [121].
Au sein du comité directeur, on trouve des représentants issus
des mondes politiques et scientifiques. Il est intéressant de
souligner que tous les courants politiques allemands sont
présents à l’exception des ex-communistes (die Linke) [122].
Au sein de ce comité, nous trouvons un personnage clef, Armin
Laschet. Cet homme politique est à l’origine du rapport élaboré
en 2003 appelant à donner un siège permanent à l’Union
européenne [123]
après l’adoption du « Traité Giscard » (désormais appelé
« Traité de Lisbonne »). Son influence est décisive car on le
trouve aussi à la tête du comité directeur du Prix Charlemagne [124].
Par ailleurs, la présence du député allemand au Parlement
européen Jo Leinen à la direction du KDUN est particulièrement
significative car il joua un rôle déterminant dans l’adoption du
Traité de Lisbonne [125].
C’est en avril 2007 que le KDUN lança sa campagne en faveur d’un
Parlement mondial sous la direction de son président, Andréas
Bummel. Auteur d’un livre intitulé Internationale Demokratie
Entwickeln (« Développer la démocratie internationale ») [126],
c’est un ancien adhérent du parti libéral, le FDP, dont le
président Guido Westerwelle est devenu ministre des Affaires
étrangères du gouvernement Merkel depuis septembre 2009. C’est
aussi un collaborateur de la « Société des peuples menacés »
dirigés par Tilman Zülch (membre du comité directeur du KDUN) et
de la World Federalist Movement (WFM) de New-York [127].
Tous ces intervenants agissent afin de favoriser la naissance de
ce nouvel organe mondial.
Comme il est précisé dans les textes officiels : « (…) L’APNU
pourrait dans un premier temps être constituée de délégués de
parlements nationaux et régionaux reflétant leur composition
politique.
Une APNU inclurait donc des membres de partis minoritaires qui
ne font pas partie du gouvernement. A un stade ultérieur, l’APNU
pourrait être directement élue. Une APNU serait ainsi un organe
unique et légitime représentant la voix des citoyens sur des
questions d’ordre international. Les participants à la campagne
considèrent qu’une APNU, une fois créée, évoluerait d’un simple
organe consultatif à un parlement mondial avec de véritables
droits à l’information, la participation et de contrôle »(…) [128].
Ces ambitions affichées sans complexes par l’APNU s’épanouissent
encore plus lorsque l’on se rappelle le soutien apporté par
Benoît XVI à l’instauration d’une « autorité politique
mondiale ». Il va de soi que les dirigeants de l’APNU ont salué
avec enthousiasme l’encyclique de ce pape [129]..
Conclusion
Cette rapide description de l’histoire des tenants du
mondialisme remontant du Moyen-Âge jusqu’au début du XXIè siècle
souligne que cette tendance est très ancienne. Elle repose sur
une cupidité sans limites et la poursuite d’un idéal de contrôle
complet des richesses planétaires. Cette évolution n’a fait que
prendre de la vitesse au fur et à mesure que le « clergé »
mondialiste, successeur de Nimrod, réussissait à imposer son
mode de pensée en faveur du nouvel ordre mondial. Depuis la
chute du mur de Berlin, les événements s’accélèrent ; la crise
aussi. La décennie 2010 sera décisive pour le genre humain car
le mondialisme, selon la doctrine de ces élites, est un
messianisme pressé.
Pierre Hillard
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« Wall Street and FDR », par Antony Sutton
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Democracies of the North Atlantic », par Clarence
Streit
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« Philip Dru : Administrator, A Story of Tomorrow,
1920-1935 », par Edward Mandell House
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« Internationale Demokratie entwickeln » /
« Developing International Democracy », par Andreas
Bummel
(PDF - 455 ko)
|
[1]
« U.S
move sows confusion in EU »,
par Charles Forelle, The
Wall Street Journal,
2 février 2010.
[2]
Site officiel de l’Eurasec.
[3]
« L’Union
douanière, créée par la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie »,
dossier de Ria Novosti.
[4]
« Eurasie :
le président kazakh prône la création d’une monnaie unique,
l’evraz »,
Ria Novosti, 11 mars 2009.
[5]
« CEEA :
la création d’une monnaie unique au menu d’entretiens
russo-kazakhs »,
Ria Novosti, 14 mars 2009.
[6]
Site officiel de l’UNASUR.
[7]
Le 26 novembre 2008, lors d’une réunion à Caracas, quelques pays
d’Amérique du Sud ont décidé de préparer le terrain en créant le
« Fonds de stabilisation et de réserve » ; c’est-à-dire une
unité de compte appelé « SUCRE » (Système Unitaire de
Compensation Régionale). Cette unité de compte fait référence
aussi à Antonio José de Sucre (1795-1830) qui fut lieutenant au
service de Simon Bolivar.
[8]
Page officielle de l’Assemblée
Parlementaire Euro-Latino Américaine.
[9]
Site officiel du SICA.
[10]
Site officiel de l’Union
africaine.
[11]
Site officiel du NEPAD.
[12]
Description de l’Union
africaine sur
le site du ministère français des Affaires étrangères.
[13]
Site officiel du GCC.
[14]
« Proposed
GCC currency name ‘too general’ »,
Trade Arabia, 16 décembre 2009.
[15]
« La Chine espère populariser le yuan au sein de l’Asean », Les
Echos,
31 décembre 2009.
[16]
Site officiel du PSP.
[17] La
marche irrésistible du nouvel ordre mondial,
par Pierre Hillard (Editions François-Xavier de Guibert, 2007),
p. 21.
[18] Ibid.,
pp. 86-87
[19] La
décomposition des nations Européennes : De l’union
euro-Atlantique à l’Etat mondial,
par Pierre Hillard (Editions François-Xavier de Guibert, 2005),
p. 137 et La
marche irrésistible du nouvel ordre mondial, op.
cit,
p. 79.
[20]
« Résolution
du Parlement européen sur l’état des relations transatlantiques
après les élections qui ont eu lieu aux États-Unis »
(2008/2199(INI)), Réseau
Voltaire,
23 mars 2009.
[21]
« La
Russie et la Chine proposent une monnaie commune globale »,Réseau
Voltaire, 11 juillet 2009.
[22]
La revue The
Economist de
janvier 1988 annonçait le lancement d’une monnaie mondiale
appelée « phénix » pour 2018. Nous sommes dans les temps.
[23]
« Discours
d’acceptation »,
par Herman von Rompuy, Réseau
Voltaire,
19 novembre 2009.
[24]
Les revendications ethniques et religieuses ainsi que
l’opposition entre régions riches et régions pauvres
accélèreront la décomposition des Etats dans le monde. Ce
phénomène s’explique en particulier en raison du transfert de
l’autorité suprême à des unions politiques régionales au dépens
des Etats qui n’ont plus leur raison d’être. La dislocation des
Etats sera planétaire. Déjà, certains dirigeants des Etats
fédérés US du Texas et du Vermont souhaitent faire sécession. En
ce qui concerne l’Europe, la Belgique avec la Flandre ou
l’Espagne avec la Catalogne constituent des risques majeurs. Ces
revendications régionalistes conduisant au morcellement des
Etats sont nécessaires pour aboutir à la réalisation du nouvel
ordre mondial.
[25]
Jusqu’au début janvier 1973, la France partageait le droit de
créer de la monnaie avec les banques privées. Pour financer la
construction de logements sociaux par exemple, l’Etat empruntait
auprès de la banque centrale qui créait pour l’occasion cette
monnaie. Par la suite, l’Etat remboursait l’emprunt tandis que
la banque détruisait cet argent ; mais, point capital, sans
faire payer d’intérêts. Or, l’Etat s’est interdit d’emprunter
auprès de la banque centrale avec l’article 25 de la loi
Pompidou-Giscard d’Estaing du 3 janvier 1973. Il se prive donc
de la création monétaire sauf s’il s’adresse auprès d’acteurs
privés qui, eux, font payer des intérêts au prix fort. Par
conséquent, cette politique empêche toute politique sociale
véritable rendant les investissements publics hors de prix et
entraînant par la même occasion l’augmentation de la dette
publique. Ce principe inscrit dans le Traité de Maastricht
(1992) à l’article 104 a été transposé à l’article 123 dans le
Traité de Lisbonne. Les Etats de l’UE sont donc totalement
tributaires de l’oligarchie financière.
[26]
Une large partie de ce chapitre s’appuie sur les travaux de
l’historien américain Carroll Quigley (1910-1977) professeur
entre autres à l’université Georgetown : The
anglo-american Etablishment,
GSG § Associates, 1981.
Il fut en particulier le professeur de … Bill Clinton.
[27]
Le lancement en juillet 2009 d’un projet de panneaux solaires en
Afrique du Nord et au Proche-Orient devant irriguer en énergie
l’Europe se fait dans le cadre de « Desertec ».
La branche allemande du Club de Rome, le centre aéronautique et
aérospatial allemand et le prince Hassan bin Talal de Jordanie
ont fortement contribué au projet. Indirectement, cette
politique énergétique va contribuer à intégrer encore plus
largement ces Etats Sud-méditerranéens à l’Union européenne et,
dans la foulée, à l’axe euro-atlantique dans le cadre de
l’interdépendance.
[28]
C’est le cas du « Corridor
de Nasco »
avec l’émergence d’un bloc Nord-américain.
[29]
Les bénéficiaires des bourses d’études Cecil Rhodes aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, en Afrique du Sud etc
sont présentés sur les sites internet de ces différentes écoles.
[30]
A partir de la deuxième moitié du XIXè siècle, l’équipe de Cecil
Rhodes contrôlait le Times de
Londres, journal réservé aux élites politiques et économiques
britanniques qui, elles aussi, étaient pour la plupart membres
de cette vaste aristocratie commerciale. Cela s’appelle
travailler en circuit fermé.
[31] Anglo-american
Etablishment,
op. cit, p. 169.
[32]
L’expression « groupe Milner » est utilisée pour évoquer les
personnages politiques, économiques, militaires et
journalistiques acquis aux idéaux d’Alfred Milner et de son
mentor, Cecil Rhodes.
[33] Ibid.,
p. 133.
[34]
Nous nous appuyons sur les travaux de Edward R. Pease, The
History of the Fabian Society (EP
Dutton and Company, 1916), ouvrage souvent réédité.
[35]
Site officiel de la Fabian
Society.
[36]
Robert Owen s’appuyait sur les principes du philosophe Platon,
en particulier son ouvrage La
République,
défendant l’idéal d’une société aristocratique dirigée par
l’élite, éliminant le mariage tout en favorisant la reproduction
des meilleurs. Cette théorie a fait des petits. On retrouve ces
concepts dans Le
Meilleur des mondes d’Aldous
Huxley, 1984 d’Orwell
ou encore dans certains ouvrages d’Herbert George Wells, membre
dirigeant de la société fabienne.
[37]
L’université d’Oxford est devenue un des foyers de recrutement
des élites grâce aux « bourses d’études Cecil Rhodes » pour la
Grande-Bretagne.
[38]
Gardons à l’esprit que tout est lié.
[39]
Au début du XXIè siècle, 200 députés britanniques appartiennent
à la société fabienne comme l’ancien Premier ministre Tony Blair
(promoteur de la politique économique appelée la « 3è voie »,
principe fabien par excellence) ou Gordon Brown.
[40]
Il semble ne pas y avoir trouvé satisfaction.
[41]
Ouvrage paru en 1928, réédité en 1931 sous le titre What
are we to do with our Lives ?.
[42] The
War That Will End War,
par H. G. Wells.
Version française : La
destruction libératrice,
réédité aux Editions Le passé du futur, Grama, Bruxelles, 1995,
p. 214.
[43] Ibid.,
p. 134 : « Ce fut dans une ambiance légèrement incrédule que
démarra la réunion qui devait instaurer le nouvel ordre
mondial ».
[44] The
New World Order,
par H.G Wells, réédité par Filiquarian Publishing, LLC, en 2007.
[45]
La plupart des responsables économiques de l’administration
Obama sont issu de la Pilgrim Society.
[46]
Voir The
Anglo-American Etablishment,
op. cit, p. 82 et pages 117 et suivantes.
[47]
Site officiel de la Round
Table.
[48]
L’entreprise JP Morgan, pilier de la finance anglo-saxonne, fut
fondée par John Pierpont Morgan (1837-1913).
[49]
Voir les ouvrages de l’extraordinaire Antony Sutton (1925-2002),
chercheur à l’institution Hoover et à l’université Stanford,
décrivant le soutien de Wall Street aux trois éléments
suivants : Wall
Street and the bolshevik revolution,
Arlington House, 1974 ; Wall
Street and FDR (ndlr :
Franklin Delano Roosevelt) et Wall
Street and the rise of Hitler.
Il faut ajouter aussi cette série en trois volumes : Western
technology and soviet economic development 1917-1930 ; Western
technology and soviet economic development 1930-1945 et Western
technology and soviet economic development 1945 to 1965 prouvant
à partir d’une documentation de première main le soutien
économique et financier de l’occident à l’Union soviétique et à
ses affidés.
[50]
Nous invitons le lecteur à s’intéresser à Basil Zaharoff
(1850-1936) qui fit fortune en vendant des armes aux acteurs du
conflit de 1914-1918.
[51] Wall
Street and the bolshevik revolution,
op. cit, p. 57.
[52] Ibid.,
pp. 83.
[53] Ibid.,
p. 82. Il est intéressant de noter que Harry Hopkins (1890-1946)
qui devint plus tard l’éminence grise du président Roosevelt,
fut l’intermédiaire entre la Croix-Rouge états-unienne dirigée
par William Boyce Thompson à Petrograd en 1917 et sa
représentation à Washington in Ibid.,
p. 72.
[54] Ibid.,
pp. 89-100. Le mémorandum de William Boyce Thompson présenté à
Lloyd George peut être lu en entier à la page 197 et suivantes
au paragraphe intitulé « Document 4 ».
[55] Pétrole,
une guerre d’un siècle,
par William Engdahl (Editions Jean-Cyrille Godefroy, 2007), p.
94 et suivantes.
[56] Wall
Street and the rise of Hitler,
op. cit, voir les chapitres de 1 à 5 en particulier page 47.
[57] The
anglo-american Etablishment, op. cit,
p. 182.
[58]
Outre la Grande-Bretagne et ses dominions, Lionel Curtis
n’hésitait pas à y ajouter : la France, les pays scandinaves,
l’Irlande, l’Egypte, l’Inde, la Belgique, les Pays-Bas, le
Canada et les Etats-Unis. Ces projets ont été présentés dans son
livre paru en une seule édition en 1938 : The
Commonwealth of God in The
Anglo-American Etablishment,
op. cit, pp. 282-283.
[59] Union
Now : A Proposal for a Federal Union of the Democracies of the
North Atlantic,
par Clarence Streit (Harper & Brothers Publishers, 1939).
[60] The
Anglo-American Etablishment,
op. cit, p. 283.
[61]
« Comment
le Conseil des relations étrangères détermine la diplomatie US », Réseau
Voltaire,
25 juin 2004.
[62]
Le président Wilson l’appelait son « alter ego ».
[63] Wall
Street and FDR, op.cit,
p. 92 et suivantes.
[64]
Voir notre livre La
Marche irrésistible du nouvel ordre mondial, op.cit,
p. 14 et pp. 80-81. Philip
Dru, administrator,
par Edward Mandell House, réédition Robert Welch University
Press, 1998.
[65] La
Paneurope,
par Anne-Marie Saint Gille (Presses de l’université de Paris
Sorbonne, 2003), pp. 130-131.
[66]
L’engagement d’Aristide Briand au côté de la Paneurope acquise
aux principes fédéralistes et régionalistes dans un cadre
politique mondial unifié permet de mieux comprendre le discours
du représentant français à l’Assemblée générale de la Société
des Nations, le 5 septembre 1929, appelant à un « lien fédéral »
entre les Etats européens.
[67]
Le représentant anglais lors de ce congrès paneuropéen de 1926,
A. Watts, était membre du Royal Institute of International
Affairs issu du « groupe Milner » in La
Paneurope,
op. cit, p. 148.
[68]
« Richard
de Coudenhove-Kalergi (1894 -1972) »,
site internet de l’association PanEurope-France.
[69]
La Paneurope a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de
tous les textes en faveur de la protection des groupes
ethniques. Voir notre ouvrageMinorités
et régionalismes dans l’Europe Fédérale des Régions (Editions
François-Xavier de Guibert, 4è édition, 2004) et dans ce livre,
le chapitre intitulé « L’union Charlemagne » p. 75 et suivantes.
[70]
« Richard
Coudenhove-Kalergi »
sur le site internet de l’European Society Coudenhove-Kalergi.
[71]
Site officiel de l’association Paneuropa.
[72]
Lire son discours prophétique à l’annexe 11 de La
Décomposition des nations européennes ;
en particulier le passage où Coudenhove appelle à l’instauration
d’une « union atlantique », une « Fédération à trois » selon son
expression, « l’Angleterre étant le pont entre l’Europe et
l’Amérique ». C’est exactement ce qui est poursuivi par les
instances de Bruxelles et de Washington d’une manière accélérée
depuis 1990. Voir la liste complète des bénéficiaires du Prix
Charlemagne sur le site du Comité.
[73] Wall
Street and the rise of Hiter,
op. cit, chapitre 2 « The Empire of IG Farben », p. 33.
[74] Wall
Street and the bolshevik revolution, op. cit,
pp. 125-126.
[75] Ibid.,
p. 126.
[76] Ibid.,
p. 60.
[77] Ibid.,
pp. 61-62
[78] Ibid.,
p. 50.
[79]
Il faut ajouter aussi que Hjalmar Schacht est à l’origine de
l’existence de la Banque des règlements internationaux (Bank of
International Settlements). Antony Sutton relate aussi la
réunion déterminante du 20 février 1933 dans la demeure
d’Hermann Goering qui permit, en présence d’Adolf Hitler, de
lever des fonds pour le financement du parti nazi. Les plus
grands patrons de l’industrie allemande étaient présents et ont
aligné les sommes nécessaires (Krupp von Bohlen, Albert Voegler,
von Loewenfeld, …) ; le tout se faisait sous la direction
d’Hjalmar Schacht in Wall
Street and the rise of Hitler, op. cit,
p.108.
[80]
Antony Sutton évoque entre autres l’influence déterminante de
Gerard Swope (1872-1957), président de General Electric Company,
qui permit la politique socialisante du président Roosevelt in Wall
Street and FDR,
op.cit, p. 86.
[81]
Carroll Quigley explique entre autres les infiltrations au sein
de l’appareil politique états-unien de la part de JP Morgan in Tragedy
and Hope.
A History of the World in Our Time (GSG
and Associates, 1966), p. 938.
[82]
Le Premier ministre anglais a tenu des propos dans son discours
de Zürich qui sont dans la droite ligne du mondialisme à en
juger ces extraits : « (…)
L’Union européenne a fait beaucoup pour arriver à ce but et ce
mouvement doit beaucoup au comte Coudenhove-Kalergi et à ce
grand patriote et homme d’Etat français que fut Aristide Briand
(…).
Nous autres Britanniques, nous avons le Commonwealth.
L’organisation du monde ne s’en trouve pas affaiblie, mais au
contraire renforcée et elle y trouve en réalité ses maîtres
piliers. Et pourquoi n’y aurait-il pas un groupement européen
qui donnerait à des peuples éloignés l’un de l’autre le
sentiment d’un patriotisme plus large et d’une sorte de
nationalité commune ? Et pourquoi un groupement européen ne
devrait-il pas occuper la place qui lui revient au milieu des
autres groupements et contribuer à diriger la barque de
l’humanité ?
(…).
Appelant à une réconciliation franco-allemande, Churchill ajoute
dans un esprit fabien : « Il faut que notre but permanent soit
d’accroître et de renforcer la puissance de l’ONU. Il nous faut
créer la famille européenne en la dotant d’une structure
régionale placée sous cette organisation mondiale, et cette
famille pourra alors s’appeler les Etats-Unis d’Europe » (…) in
George C. Marshall, Points
de repère,
Lausanne, 1973
[83]
L’influence fédéraliste se fit sentir par l’intermédiaire
d’Européens convaincus comme Denis de Rougemont, Henri Brugmans
et Alexandre Marc.
[84]
Côté états-unien, dès 1924, Rosika Schwimmer et Lola M. Lloyd
défendant la cause des femmes (droit de vote, etc) organisèrent
la première assemblée constituante mondiale devant être élus par
les peuples afin de rédiger une constitution mondiale. Cette
initiative fut relancée en 1937 à Chicago avec une campagne en
faveur d’un gouvernement mondial. Il serait très intéressant de
savoir qui finançait de tels projets. Par la suite, d’autres
Etats-uniens préparèrent les esprits en faveur d’un monde uni :
Emery Reves, auteur de Anatomy
of Peace défendant
l’idée d’un gouvernement mondial (il fut aussi l’agent
littéraire de Winston Churchill) ; le politicien Wendell Wilkie
avec son livre One
World ;
l’avocat Clark Grenville auteur de World
Peace through World Law ;
le journaliste Norman Cousins ; le journaliste et sénateur
démocrate Alan Cranston et le philosophe Robert Hutchins.
[85] Présentation
du World Federalist Movement sur
son site internet.
[86]
Déclaration de Montreux du 23 août 1947.
[87]
Voir notre livre La
Fondation Bertelsmann et la gouvernance mondiale(Editions
François-Xavier de Guibert, 2009), pp. 95-96 et « Geschichte
der Europa-Union Deutschland sur
le site internet de Europa Union Deutschland.
[88]
« The
history of Federal Union »
sur le site internet de l’association.
[89]
« Regional
Federalism »
sur le site internet du World Federalist Movement.
[90]
Site officiel d’Andrew
Duff.
[91]
« ECFR’s
Board and Council »
sur le site internet de l’European Council on Foreign Relations.
[92]
« Création
accélérée d’un Conseil européen des relations étrangères »,R��seau
Voltaire, 3 octobre 2007.
[93] La
Fondation Bertelsamann et la gouvernance mondiale,
op. cit, p. 92 et suivantes.
[94]
« Trustees »
sur le site internet du Rhodes Trust.
[95]
Parmi les nombreux participants, nous pouvons relever Richard de
Coudenhove-Kalergi, Konrad Adenauer, Denis de Rougemont, Alcide
de Gasperi, François Mitterrand, etc.
[96]
« Histoire
secrète de l’Union européenne »,
par Thierry Meyssan, Réseau
Voltaire,
28 juin 2004.
[97]
Une exception toutefois ; RTL Belgique a diffusé lors de son
journal télévisé l’extérieur de la réunion du Bilderberg en juin
2000 lors de sa réunion à Genval dans le Brabant wallon. On peut
y apercevoir Dominique Strauss-Kahn ou encore la reine Béatrix
des Pays-Bas.
[98]
« Top
candidate debates EU tax at elite dinner »,
par Andrew Rettman,EU Observer, 16 novembre 2001.
[99]
Le film Avatar de
James Cameron sorti en décembre 2009 est le prototype même de
l’esprit « gaïa ». Une tribu parée de nombreuses qualités par
rapport aux humains venus exploiter leur planète tire leur force
de la nature, plus précisément d’un arbre, véritable dieu qui
donne l’énergie comme il l’a reprend.
[100]
Thomas Huxley était appelé le « bouledogue de Darwin ».
[101]
« H.G.
Wells : Darwin’s disciple and eugenicist extraordinaire »,
par Jerry Bergman, in Journal
of Creation,
décembre 2004.
[102]
« WWF
in the 60’s »
sur le site internet du World Wild Fund.
[103]
« Presidents
- past and present »
sur le site internet du World Wild Fund.
[104] Le
Figaro,
25 janvier 1999.
[105]
Voir p. 137 (chapitre 28).
[106]
« Peter
Sutherland, Directeur général du GATT et de l’OMC de 1993 à 1995 »,
sur le site internet de l’Organisation mondiale du Commerce.
[107]
« Peter
Sutherland »,
sur le site internet de la Commission trilatérale.
[108]
« Membership »,
sur le site internet de la Commission trilatérale.
[109]
Parmi les nombreux domaines participant à l’édification du
nouvel ordre mondial, nous pouvons évoquer le cas du Codex
alimentarius dont
l’objectif est de procéder à des modifications ou à des
suppressions de produits entrant dans la composition alimentaire
(vitamines, minéraux, …).
[110] Texte
intégral sur
le site internet du Saint-Siège.
[111] Ibid.,
voir les paragraphes de 130 à 145.
[112]
« Message
Urbi et Orbi du Saint-Père Benoît XVI »,
25 décembre 2005, Vatican.
[113] Texte
intégral sur
le site internet du Saint-Siège.
[114] Ibid.,
paragraphe 67.
[115]
Site officiel de la Campagne
pour la création d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies.
[116] The
case for a United Nations Parliamentary Assembly,
par Dieter Heinrich, World Federalist Movement, octobre 1992
[117]
Site officiel du Komitee
für eine Demokratische UNO.
[118]
« Comité
exécutif »
de la Campagne pour la création d’une Assemblée parlementaire
des Nations Unies.
[119]
Cet institut allemand est à l’origine des textes clefs en faveur
des groupes ethniques en Europe ; la Charte
des langues régionales ou minoritaires et
la Convention-cadre
pour la protection des minorités.
Voir notre livre Minorités
et régionalismes, op.
cit.
p. 142 et suivantes.
[120]
Site officiel de 2020
Vision.
[121]
« Satzung für das Komitee für eine demokratische UNO ». Document
téléchargeable.
[122]
« Associates
des KDUN »,
sur le site internet du Komitee für eine Demokratische UNO.
[123] Rapport
sur les relations entre l’Union européenne et l’organisation des
Nations Unies [2003/2049
(INI)], rapporteur Armin Laschet, 16 décembre 2003.
[124]
Signalons aussi la présence de Hans-Gert Pöttering au sein du
comité directeur du Prix Charlemagne, président de la Fondation
Konrad Adenauer, ancien président du Parlement européen mais
aussi ancien président de Europa Union Deutschland, filiale de
l’Union des fédéralistes européens (l’UEF créée à Montreux en
1947) dirigée en 2010 par le député anglais au Parlement
européen Andrew Duff.
[125]
Voir La
Fondation Bertelsmann et la gouvernance mondiale, op. cit,
p. 93 et suivantes.
[126] Internationale
Demokratie entwickeln,
par Andreas Bummel, Horizonte Verlag, 2005.
[127]
« Andreas
Bummel Der Vorsitzende des Komitees für eine demokratische UNO »,
par Gerrit Wustmann, 11 février 2008.
[128]
« A
propos du projet APNU »,
sur le site internet de la Campagne pour la création d’une
Assemblée parlementaire des Nations Unies.
[129]
« Etude :
la création d’un Parlement mondial serait « pleinement en
harmonie avec la doctrine papale » »,
28 juillet 2009, Campagne pour la création d’une Assemblée
parlementaire des Nations Unies.
Les drogues et la machine de guerre des États-Unis
par Maxime
Chaix
L’ancien diplomate canadien Peter Dale Scott met à profit sa
retraite pour étudier en détail le Système des États-Unis qu’il
décrit, livre après livre. Il répond ici aux questions de son
traducteur francophone, notre collaborateur, Maxime Chaix.
RÉSEAU VOLTAIRE |
18 JUILLET 2013
Peter Dale Scott est docteur en Sciences politiques, professeur
émérite de Littérature anglaise à l’Université de Californie
(Berkeley), poète et ancien diplomate canadien. The
Road to 9/11 est
son premier livre traduit en français, publié en septembre 2010
par les Éditions Demi-Lune sous le titre La
Route vers le Nouveau Désordre Mondial. Cet ouvrage a fait
l’objet d’une recension élogieuse par le général d’armée
aérienne (2S) Bernard Norlain dans le numéro 738 de la Revue
Défense Nationale (mars
2011). Son dernier livre, La
Machine de guerre américaine,
a été publié par les Éditions Demi-Lune en octobre 2012. Il a
également été recommandé par le général Norlain dans le numéro
757 de laRevue Défense Nationale (février
2013).
Peter Dale Scott publie régulièrement des
articles sur le site du Réseau Voltaire.
Maxime Chaix : Dans
votre dernier ouvrage, La
Machine de guerre américaine,
vous étudiez en profondeur ce que vous appelez la « connexion
narcotique globale ». Pourriez-vous nous éclairer sur cette
notion ?
Peter Dale Scott :
Avant tout, permettez-moi de définir ce que j’entends par
« connexion narcotique ». Les drogues n’entrent pas comme par
enchantement aux États-Unis. Parfois, de très importantes
cargaisons de drogues sont acheminées dans ce pays avec
l’assentiment et/ou la complicité directe de la CIA. Je vais
vous l’illustrer par un exemple tiré de La
Machine de guerre américaine.
Dans ce livre, je parle du général Ramon Guillén Davila, le
directeur d’une unité anti-drogue créée par la CIA au Venezuela,
qui fut inculpé à Miami pour avoir introduit clandestinement aux
États-Unis une tonne de cocaïne. Selon leNew York Times,
« la CIA, malgré les objections de la Drug Enforcement
Administration [DEA], approuva la livraison d’au moins une tonne
de cocaïne pure à l’aéroport international de Miami [,] comme
moyen d’obtenir des renseignements sur les cartels de la drogue
colombiens ». Au total, selon le Wall
Street Journal, le général Guillén aurait pu avoir acheminé
illégalement plus de 22 tonnes de drogues aux États-Unis.
Néanmoins, les autorités US n’ont jamais demandé au Venezuela
l’extradition de Guillén pour le juger. De plus, lorsqu’en 2007
il fut arrêté dans son pays pour avoir planifié l’assassinat
d’Hugo Chávez, son acte d’accusation était encore maintenu sous
scellés à Miami. Ce n’est pas surprenant, sachant qu’il était un
allié de la CIA.
Toutefois, la connexion narcotique de l’Agence ne se limite pas
aux États-Unis et au Venezuela. Depuis l’après-guerre, elle
s’est progressivement étendue à travers le globe. En effet, les
États-Unis ont voulu exercer leur influence dans certaines
parties du monde mais, en tant que démocratie, ils ne pouvaient
pas envoyer l’US Army dans ces régions. Par conséquent, ils ont
développé des armées de soutien (proxy armies) financées
par les trafiquants de drogues locaux. Progressivement, ce mode
opératoire est devenu une règle générale. C’est l’un des
principaux sujets de mon livre, La
Machine de guerre américaine.
J’y étudie notamment l’opération Paper,
qui débuta en 1950 avec l’utilisation par l’Agence de l’armée du
KMT en Birmanie, qui organisait le trafic de drogues dans la
région. Quand il s’est avéré que cette armée était totalement
inefficace, la CIA développa sa propre force en Thaïlande (la
PARU). L’officier de l’Agence qui en avait la responsabilité a
admis qu’elle finançait ses opérations par de très importantes
saisies de drogues.
En rétablissant le trafic de drogues en Asie du Sud-Est, le KMT
en tant qu’armée de soutien constituait un précédent de ce qui
allait devenir une habitude de la CIA : collaborer secrètement
avec des groupes financés par les drogues pour mener la guerre —
en Indochine et en mer de Chine méridionale dans les années
1950, 60 et 70 ; en Afghanistan et en Amérique centrale dans les
années 1980 ; en Colombie dans les années 1990 ; et de nouveau
en Afghanistan en 2001 —. Les mêmes secteurs de la CIA en sont
responsables, soit les équipes chargées d’organiser les
opérations clandestines. Depuis l’après-guerre, nous pouvons
observer comment leurs agents, financés par les bénéfices
narcotiques de ces opérations, se déplacent de continents en
continents pour répéter le même schéma. C’est pourquoi nous
pouvons parler d’une « connexion narcotique globale ».
Maxime Chaix : D’ailleurs,
dans La
Machine de guerre américaine,
vous remarquez que la production de drogues explose souvent là
où les États-Unis interviennent avec leur armée et/ou leurs
services de renseignement, et que cette production décline
lorsque ces interventions s’achèvent. En Afghanistan, alors que
l’OTAN retire progressivement ses troupes, pensez-vous que la
production de drogue va diminuer une fois le retrait achevé ?
Peter Dale Scott :
Dans le cas de l’Afghanistan, il est intéressant de constater
qu’au cours des années 1970, à mesure que le trafic de drogues
déclinait en Asie du Sud-Est, la zone frontalière
pakistano-afghane devenait peu à peu centrale dans le trafic
international d’opium. Finalement, en 1980, la CIA s’impliqua de
manière indirecte, mais massive, contre l’URSS dans la guerre
d’Afghanistan. D’ailleurs, Zbigniew Brzezinski se vanta auprès
du président Carter d’avoir donné aux soviétiques « leur
Vietnam ». Toutefois, il déclencha également une épidémie
d’héroïne aux États-Unis. En effet, avant 1979, de très faibles
quantités d’opium du Croissant d’Or entraient dans ce pays. Or,
en une année seulement, 60 % de l’héroïne pénétrant aux
États-Unis provenait de cette zone, selon les statistiques
officielles.
Comme je le rappelle dans La
Machine de guerre américaine,
les coûts sociaux de cette guerre alimentée par la drogue
continuent de nous affecter. Par exemple, il y aurait
aujourd’hui 5 millions d’héroïnomanes au seul Pakistan. Et
pourtant, en 2001, les États-Unis, avec l’aide des trafiquants,
relancèrent leurs tentatives d’imposer un processus
d’édification nationale à un quasi-État, comptant au moins une
douzaine de groupes ethniques majeurs parlant des langues
différentes. À cette époque, l’intention qu’avaient les
États-Unis d’utiliser des trafiquants de drogue pour se
positionner sur le terrain en Afghanistan n’avait pas la moindre
ambiguïté. En 2001, la CIA créa sa propre coalition pour lutter
contre les talibans en recrutant — et même en important — des
trafiquants de drogues, qui étaient en principe d’anciens alliés
des années 1980. Comme au Laos en 1959 et en Afghanistan en
1980, l’intervention états-unienne a été une aubaine pour les
cartels internationaux des drogues. Avec l’amplification du
chaos dans les zones rurales afghanes et l’augmentation du
trafic aérien, la production d’opium fit plus que doubler,
passant de 3 276 tonnes en 2000 (mais surtout de 185 tonnes en
2001, l’année où les talibans l’interdirent) à 8 200 tonnes en
2007.
Aujourd’hui, il est impossible de déterminer comment va évoluer
la production de drogues en Afghanistan. Cependant, si les
États-Unis et l’OTAN se contentent de se retirer en laissant le
chaos derrière eux, tout le monde en pâtira — sauf les
trafiquants de drogues, qui profiteraient du désordre pour leurs
activités illicites —. Il serait donc indispensable d’établir
une collaboration entre l’Afghanistan et tous les pays
avoisinants, incluant la Chine et la Russie (qui peut être
considérée comme une nation voisine du fait de ses frontières
avec les États d’Asie centrale). Le Conseil international sur la
sécurité et le développement (ICOS) a suggéré d’acheter et de
transformer l’opium afghan afin de l’utiliser médicalement dans
les pays du Tiers-Monde, qui en ont cruellement besoin.
Washington reste opposé à cette mesure, qui est difficile à
mettre en œuvre en l’absence d’un système de maintien de l’ordre
efficace et solide. Dans tous les cas, nous devons aller vers
une solution multilatérale incluant l’Iran, une nation très
affectée par le trafic de drogues venant d’Afghanistan. Il est
également le pays le plus actif dans la lutte contre les
exportations de stupéfiants afghans, et celui qui subit le plus
de pertes humaines à cause de ce trafic. Par conséquent, l’Iran
devrait être reconnu comme un allié central dans la lutte contre
ce fléau mais, pour de nombreuses raisons, ce pays est considéré
comme un ennemi dans le monde occidental.
Maxime Chaix : Votre
dernier livre, La
Machine de guerre américaine,
démontre notamment qu’une part importante des revenus
narcotiques alimente le système bancaire global, dont les
banques des États-Unis, créant une véritable « narconomie ».
Dans cette perspective, que pensez-vous de l’affaire HSBC ?
Peter Dale Scott :
Tout d’abord, le scandale du blanchiment d’argent par HSBC nous
amène à penser que la manipulation des bénéfices narcotiques par
cette banque aurait pu contribuer à financer le terrorisme —
comme l’avait révélé une sous-commission du Sénat en juillet
2012 —. De plus, un nouveau rapport sénatorial a estimé que
« chaque année, entre 300 milliards et 1 trillion de dollars
d’origine criminelle sont blanchis par les banques à travers le
monde, la moitié de ces fonds transitant par les banques
états-uniennes ». Dans ce contexte, les autorités
gouvernementales nous expliquent qu’HSBC ne sera pas démantelée
car elle est trop importante dans l’architecture financière
occidentale. Souvenez-vous qu’Antonio Maria Costa, le directeur
de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime
(ONUDC), avait rapporté qu’en 2008, « les milliards de
narcodollars ont empêché le système de sombrer au paroxysme de
la crise [financière] globale. »
Ainsi, HSBC s’est entendue avec le département de la Justice
pour payer une amende d’environ 1,92 milliards de dollars, ce
qui évitera des poursuites pénales. Le gouvernement des
États-Unis nous fait ainsi comprendre que personne ne sera
condamné pour ces crimes car, comme je l’ai souligné
précédemment, cette banque fait partie intégrante du système.
C’est un aveu déterminant. En réalité, toutes les grandes
banques ayant une importance systémique — pas seulement HSBC —
ont admis avoir mis en place des filiales spécialement conçues
pour blanchir l’argent sale (les private
banks). Certaines ont payé de lourdes amendes, qui sont
habituellement bien moins importantes que les profits générés
par le blanchiment d’argent. Et aussi longtemps que cette
impunité sera maintenue, le système fonctionnera de cette
manière. C’est un véritable scandale. En effet, songez à un
individu lambda se faisant arrêter avec quelques grammes de
cocaïne en poche. Il sera très probablement incarcéré, mais la
banque HSBC pourrait avoir blanchi environ 7 milliards de
dollars de revenus narcotiques grâce à sa filiale mexicaine sans
que personne n’aille en prison. En réalité, la drogue est l’un
des principaux éléments soutenant le dollar, d���où l’emploi de
l’expression « narconomie ». Les trois premiers produits
échangés dans le commerce international sont d’abord le pétrole,
puis les armes et enfin les drogues. Ces trois éléments sont
interconnectés, et ils alimentent les banques de la même
manière. C’est pourquoi la majorité de l’argent des drogues est
absorbée par le système bancaire global. Ainsi, dansLa
Machine de guerre américaine,
j’étudie comment une partie de ces revenus narcotiques finance
certaines opérations clandestines états-uniennes, et j’en
analyse les conséquences.
Maxime Chaix : Il
y a 10 ans, l’administration Bush lançait la guerre d’Irak, sans
l’aval du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Quel bilan
tirez-vous de ce conflit, notamment au regard de ses coûts
humains et financiers ?
Peter Dale Scott :
Selon moi, il y a eu deux grands désastres dans la politique
étrangère récente des États-Unis. Il s’agit de la guerre du
Vietnam, qui n’était pas nécessaire, et de la guerre d’Irak, qui
l’était encore moins. L’objectif affiché de cette guerre était
d’instaurer la démocratie dans ce pays, ce qui était une
véritable illusion. Il appartient au peuple irakien de
déterminer s’il est dans une meilleure situation aujourd’hui
qu’avant cette guerre, mais je doute qu’il réponde par
l’affirmative s’il était consulté sur cette question.
Au regard des coûts humains et financiers de ce conflit,
celui-ci fut un désastre, aussi bien pour l’Irak que pour les
États-Unis. Toutefois, dans un documentaire qui lui est dédié,
l’ancien vice-président Dick Cheney vient de déclarer qu’il
referait la même chose « dans la minute ». Or, le Financial
Times a récemment
estimé que les contractants avaient signé pour plus de 138
milliards de dollars de contrats avec le gouvernement des
États-Unis, dans le cadre de la reconstruction de l’Irak. À elle
seule l’entreprise KBR, une filiale d’Halliburton — dirigée par
Dick Cheney avant qu’il ne devienne vice-président —, a signé
pour au moins 39,5 milliards de dollars de contrats fédéraux
depuis 2003. Rappelons également qu’à la fin de l’année 2000,
un an avant le 11-Septembre, Dick Cheney et Donald Rumsfeld ont
cosigné une étude importante élaborée par le PNAC (le groupe
de pression néoconservateur appelé le Projet pour le Nouveau
Siècle Américain). Intitulée Reconstruire
les Défenses de l’Amérique(Rebuilding America’s
Defenses), cette étude réclamait notamment une forte
augmentation du budget de la Défense, l’éviction d’Irak de
Saddam Hussein, et le maintien de troupes états-uniennes dans
la région du golfe Persique même après la chute du dictateur
irakien. Ainsi, en dépit des coûts humains et financiers de
cette guerre, certaines entreprises privées ont massivement
profité de ce conflit, comme je l’ai analysé dans La
Machine de guerre américaine.
Enfin, au Proche-Orient, lorsque l’on observe les très fortes
tensions entre les chiites, qui sont appuyés par l’Iran, et les
sunnites soutenus par l’Arabie saoudite et le Qatar, il faut
garder à l’esprit que la guerre d’Irak a eu un impact très
déstabilisant dans cette région…
Maxime Chaix : Justement,
quel est votre point de vue sur la situation en Syrie, et sur
les potentielles solutions à ce conflit ?
Peter Dale Scott :
Au vu de la complexité de cette situation, il n’existe pas de
réponse simple sur ce qui devrait être fait en Syrie, du moins
au niveau local. Toutefois, en tant qu’ancien diplomate, je suis
convaincu que nous ayons besoin d’un consensus entre les grandes
puissances. La Russie continue d’insister sur la nécessité de
s’en tenir aux accords de Genève. Ce n’est pas le cas des
États-Unis, qui ont agi bien au-delà du mandat du Conseil de
sécurité en Libye, et qui sont en train de rompre un potentiel
consensus en Syrie. Ce n’est pas la marche à suivre car, à mon
sens, un consensus international est nécessaire. Sinon, il se
pourrait que la guerre par procuration entre chiites et sunnites
au Proche-Orient finisse par attirer directement l’Arabie
saoudite et l’Iran dans le conflit syrien. Il y aurait alors un
risque de guerre entre les États-Unis et la Russie. La Première
Guerre mondiale a éclaté de cette manière, ayant été déclenchée
par un événement local en Bosnie. Et la Seconde Guerre mondiale
a débuté avec une guerre par procuration en Espagne, qui
opposait à distance la Russie et l’Allemagne. Nous devons et
nous pouvons éviter la répétition d’une telle tragédie.
Maxime Chaix : Mais
ne pensez-vous pas qu’au contraire, les États-Unis cherchent
aujourd’hui à s’entendre avec la Russie, essentiellement à
travers la diplomatie de John Kerry ?
Peter Dale Scott :
Pour vous répondre, permettez-moi de faire une analogie avec ce
qu’il s’est déroulé en Afghanistan et en Asie centrale dans les
années 1990, après le retrait soviétique. Aux États-Unis, le
problème récurrent est qu’il est difficile de parvenir à un
consensus au sein du gouvernement, car il existe une multitude
d’agences ayant parfois des objectifs antagonistes. Il en
résulte l’impossibilité d’obtenir une politique unifiée et
cohérente, et c’est précisément ce que nous avons pu observer en
Afghanistan en 1990. Le département d’État voulait
impérativement parvenir à un accord avec la Russie, mais la CIA
continuait de travailler avec ses alliés narcotiques et/ou
jihadistes en Afghanistan, n’ayant pas l’intention de mettre fin
à cette collaboration. Par conséquent, dans une certaine mesure,
il existait une concurrence entre l’Agence et le département
d’État en Afghanistan. À cette époque, Strobe Talbott — un très
proche ami du président Clinton, dont il était un influent
représentant personnel au sein du département d’État —, déclara
avec justesse que les États-Unis devaient parvenir à un
arrangement avec la Russie en Asie centrale, et non considérer
cette région comme un « grand échiquier » où manipuler les
événements à notre avantage (pour reprendre le concept de
Zbigniew Brzezinski). Mais dans le même temps, la CIA et le
Pentagone étaient en train de nouer des accords secrets avec
l’Ouzbékistan, qui neutralisèrent totalement ce que Strobe
Talbott était en train d’accomplir. Je doute qu’aujourd’hui, de
telles divisions internes au sein de l’appareil diplomatique et
sécuritaire des États-Unis aient disparu.
Dans tous les cas, depuis 1992, la doctrine Wolfowitz mise en
œuvre à partir de 2001 par les néoconservateurs de
l’administration Bush appelle à la domination globale et
unilatérale des États-Unis. Parallèlement, des éléments plus
modérés du département d’État tentent de négocier des solutions
pacifiques aux différents conflits dans le cadre des Nations
Unies. Cependant, il est impossible de négocier la paix tout en
appelant à dominer le monde par la force militaire.
Malheureusement, les faucons intransigeants l’emportent le plus
souvent, pour la simple et bonne raison qu’ils bénéficient des
budgets les plus élevés – ceux qui alimentent La
Machine de guerre américaine –.
En effet, si vous parvenez à des compromis diplomatiques, ces
faucons verront leurs budgets amoindris, ce qui explique
pourquoi les pires solutions ont tendance à prévaloir dans la
politique étrangère états-unienne. Et c’est précisément ce qui
pourrait empêcher un consensus diplomatique entre les États-Unis
et la Russie dans le conflit syrien.
Maxime Chaix
Source
Diplomatie (France)
http://www.voltairenet.org/article179393.html
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