ماندلا و اسرائیل
http://www.voltairenet.org/article181394.html
Mandela et Israël
par Thierry
Meyssan
Les Occidentaux pleurent la mort de Nelson Mandela avec plus de
tristesse que n’en manifestent les Africains. Ce deuil est une
manière de solder l’idéologie coloniale et les crimes qui furent
commis en son nom. Mais il est incompréhensible que ce torrent
d’hommages fasse l’impasse sur la persistance d’un État raciste,
historiquement fondé comme l’Afrique du Sud selon la vision du
monde de Cecil Rhodes, le théoricien de « l’impérialisme
germanique ». L’exemple de Mandela reste à suivre.
RÉSEAU VOLTAIRE |
9 DÉCEMBRE 2013


Le 11 avril 1975, à Jérusalem dans la résidence du Premier
ministre. De gauche à droite : Eschel Rhoodie (directeur
sud-africain de la Propagande), Yitzhak Rabin (Premier ministre
israélien), Henrik van den Bergh (directeur des services secrets
sud-africains) et Shimon Peres (ministre israélien de la
Défense).
L’œuvre de Nelson Mandela est célébrée, partout dans le monde, à
l’occasion de son décès. Mais à quoi son exemple sert-il si nous
acceptons que perdure dans un État —Israël— l’idéologie raciale
qu’il a vaincue en Afrique du Sud ?
Le sionisme n’est pas un fruit du judaïsme, qui y fut longtemps
farouchement opposé. C’est un projet impérialiste né de
l’idéologie puritaine britannique. Au XVIIe siècle, Lord
Cromwell renversa la monarchie anglaise et proclama la
République. Il instaura une société égalitaire et entendit
étendre autant que faire se peut la puissance de son pays. Pour
cela, il espérait nouer une alliance avec la diaspora juive qui
deviendrait l’avant-garde de l’impérialisme britannique. Il
autorisa donc le retour des juifs en Angleterre, dont ils
avaient été chassés quatre cent ans plus tôt, et annonça qu’il
créerait un État juif, Israël. Cependant il mourut sans avoir
réussi à convaincre les juifs de se joindre à son projet.
L’Empire britannique n’a depuis cessé de solliciter la diaspora
juive et de proposer la création d’un État juif, comme le fit
Benjamin Disraéli, Premier ministre de la reine Victoria à la
conférence de Berlin (1884). Les choses changèrent avec le
théoricien de l’impérialisme britannique, le « très honorable »
Cecil Rhodes —le fondateur des diamants De Beers et de la
Rhodésie—, qui trouva en Theodor Herzl le lobbyiste qu’il lui
fallait. Les deux hommes échangèrent une abondante
correspondance dont la reproduction fut interdite par la
Couronne lors du centenaire de la mort de Rhodes. Le monde
devait être dominé par la « race germanique » (c’est-à-dire
selon eux, outre les Allemands, les Britanniques —Irlandais
inclus—, les États-Uniens et Canadiens, les Australiens et
Néo-Zélandais, et les Sud-Africains), qui devaient étendre leur
empire en conquérant des terres nouvelles avec l’aide des juifs.
Theodor Hertzl fut non seulement capable de convaincre la
diaspora de se rallier à ce projet, mais il renversa l’opinion
de sa communauté en utilisant ses mythes bibliques. L’État juif
ne serait pas sur une terre vierge, en Ouganda ou en Argentine,
mais en Palestine avec Jérusalem comme capitale. De sorte que
l’actuel État d’Israël est à la fois le fils de l’impérialisme
et du judaïsme.
Israël, dès sa proclamation unilatérale, s’est tourné vers
l’Afrique du Sud et la Rhodésie, seuls États avec lui à afficher
le colonialisme de Rhodes. Peu importe de ce point de vue que
les Afrikaneers aient soutenu le nazisme, ils étaient nourris de
la même vision du monde. Bien que le Premier ministre John
Vorster ne fit de voyage officiel en Palestine occupée qu’en
1976, dès 1953 l’Assemblée générale des Nations Unies condamna
« l’alliance entre le racisme sud-africain et le sionisme ». Les
deux États travaillèrent en étroite collaboration que ce soit en
matière de manipulation des médias occidentaux, de transports
pour contourner les embargos, ou encore pour mettre au point la
bombe atomique.
L’exemple de Nelson Mandela montre qu’il est possible de
s’affranchir de cette idéologie et d’atteindre la paix civile.
Aujourd’hui, Israël est le seul héritier au monde de
l’impérialisme selon Cecil Rhodes. La paix civile suppose
qu’Israéliens et Palestiniens trouvent leur De Klerc et leur
Mandela.
Thierry Meyssan
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