http://www.voltairenet.org/article150085.html
در 1992، ایالات متحده برای شکستن نظامی ترانسنیستری تلاش کرد.
En 1992, les États-Unis tentèrent d’écraser militairement la
Transnistrie
par Thierry
Meyssan
Dans la confusion de l’explosion de l’URSS et des proclamations
d’indépendance des États soviétiques, celle de la Transnistrie
fut si peu médiatisée que les États-Unis, pressés d’asseoir leur
influence, firent opposition à sa reconnaissance par l’ONU et
tentèrent de l’écraser en soutenant une invasion Roumano-Moldave
au-delà du Dniestr. Mais ils sous-estimèrent gravement les
généraux de Moscou opposés à Boris Eltsine, qui par les moyens
de la 14e armée stationnée sur place permirent la victoire de la
résistance populaire emmenée par l’actuel président de la
Transnistrie (Pridnestrovie), Igor Smirnov. Récit des événements
méconnus qui aboutirent à un statu quo remis en débat par les
discussions sur le statut du Kosovo et le retrait russe du CFE.
RÉSEAU VOLTAIRE |
TIRASPOL (TRANSNISTRIE) |
17 JUILLET 2007
Cosaques et soldats transnistriens aux commandes d’un blindé
russe près du pont de Bender (1992)
Aux débuts de l’Union soviétique, la Transnistrie était une
République autonome (RASSM) au sein de la République soviétique
socialiste d’Ukraine (RSSU). Mais à la suite des accords de
Munich au cours desquels la France et l’Angleterre abandonnèrent
la Tchécoslovaquie au IIIe Reich, l’URSS, isolée, prit
l’initiative de conclure un accord avec l’Allemagne pour ne pas
être la prochaine victime de l’expansionnisme nazi et de la
lâcheté ouest-européenne. Cependant, loin de se contenter de
sauver Moscou, le pacte signé par les ministres des Affaires
étrangères Joachim Von Ribbentrop et Viatcheslav Molotov, le 23
août 1939, prévoyait le partage de toute l’Europe centrale.
L’une des conséquences de ce jeu d’influence fut l’annexion par
l’URSS d’une partie de la Roumanie, son rattachement
administratif à la république autonome déjà citée (RASSM) et,
ainsi, la formation de la nouvelle République soviétique
socialiste de Moldavie (RSSM) où l’on parlait à la fois le
roumain et le russe.
Cinquante ans plus tard, les peuples qui furent victimes du
Pacte Ribbentrop-Molotov reprirent leur liberté à la faveur de
l’effondrement de l’Union soviétique. Malgré l’opposition du
président Mikhail Gorbatchev, les pays baltes et la Transnistrie
tentent de proclamer unilatéralement leur indépendance en 1990.
Moscou envoie bientôt ses troupes spéciales pour rétablir
l’ordre dans les pays baltes, mais ne prend pas au sérieux la
petite Transnistrie et n’y intervient pas. Chisinau n’est pas
plus inquiet : dans cette période de décomposition de l’URSS, la
Moldavie pense son avenir avec la Roumanie dont elle partage la
langue et admet donc la séparation à court terme d’avec la
Transnistrie russophone.
Le 19 août 1990 à Moscou, un groupe de généraux nostalgiques du
rêve soviétique renverse le président de l’URSS Mikhail
Gorbatchev, mais rencontre l’opposition du président de la
Russie Boris Eltsine. En trois jours le putsch échoue. Dans la
confusion générale, l’Estonie et la Lettonie quittent
définitivement l’URSS. La Biélorussie et la Moldavie suivent le
25 août, la Transnistrie (pour la seconde fois) le 1er
septembre, puis toutes les autres républiques soviétiques, une à
une, durant deux mois.
Dans sa déclaration d’indépendance, la Moldavie ex-soviétique
déclare solennellement nulles et non avenues toutes les
conséquences politiques et légales du Pacte Ribbentrop–Molotov,
y compris le rattachement forcé de la Transnistrie dont elle
avait bénéficié [1].
Mais échappant à tout contrôle politique, les services secrets
modlaves tentent d’empêcher l’inévitable séparation d’avec la
Transnistrie en enlevant le leader transnistrien Igor Smirnov,
alors qu’ils se trouvait en territoire urkrainien [2].
Tiraspol ne varie pas et proclame sans tarder son indépendance
comme nous l’avons vu ci-dessus. De plus, le nouvel État exige
la libération immédiate de son président sous peine
d’interruption du gaz et de l’électricité qu’il livre à la
nouvelle Moldavie [3].
En définitive, Moldaves et Transnistriens confirment leur
indépendance par référendum et désignent leurs nouveaux
dirigeants. Des escarmouches meurtrières opposent les Unités
spéciales du ministère moldave de l’Intérieur à la Garde
nationale transnistrienne. Non seulement elles échouent à
déplacer la frontière vers l’Est, mais la ville russophone de
Bendery, située sur la rive occidentale du Dniestr, se ralie à
Tiraspol. Cessez-le-feu.
Les États-Unis, qui se réjouissent de la dissolution de l’URSS,
s’activent pour récupérer dans leur giron les nouveaux États.
Les Moldaves n’ont d’yeux que pour le niveau de vie occidental,
tandis que les Transnistriens prétendent réaliser le rêve
abandonné de Gorbatchev : conserver les acquis du socialisme
tout en adoptant la liberté d’entreprendre et la démocratie (Perestroïka)
ainsi que la transparence dans les médias (Glasnost).
Indamissible pour l’Oncle Sam qui est en train de dynamiter la
Yougoslavie et espère en avoir définitivement fini avec le
socialisme ! Dès lors, Washington va s’ingénier à manipuler
Chisinau contre Tiraspol. C’est dans ce contexte que doit être
interprété l’enlèvement d’Igor Smirnov par les services secrets
moldaves et plus encore, les évènements qui suivirent.
Le 28 février 1992, les États-Unis font entrer triomphalement
huit nouveaux États à l’ONU, dont la Moldavie. Mais pas la
Transnsitrie post-soviétique. Du coup, celle-ci passe du statut
de nouvel État en attente de reconnaissance internationale à
celui de région séparatiste moldave. Au regard du droit
international, il sera possible de maquiller une conquête
militaire de la Transnistrie en une simple opération de
restauration de l’ordre public face à des sécessionnistes.
À l’issue d’une brève visite du secrètaire d’État, James Baker
III, Washington installe son dispostif. Les opérations seront
dirigées depuis Bucarest par l’amabassadeur John R. Davis Jr,
qui fit merveille en manipulant Solidarnosc en Pologne. Le chef
de poste CIA sera Harold James Nicholson [4].
Une représentation diplomatique est ouverte à Chisinau où
opérera le colonel Howard Steers.
Les conseillers militaires US constituent de bric et de broc une
force moldave. Chisinau, nouvellement indépendant, n’ayant pas
encore d’armée, Washington obtient que Bucarest détache des
officiers roumains et prête des blindés. Et pour constituer les
rangs, on recrute dans les prisons. Les détenus de droit commun
seront amnistiés s’ils participent aux combats. Ils ne pourront
être rémunérés, mais seront autorisés à se constituer un butin.
Ils pourront même s’approprier les maisons des Transnistriens
qu’ils tueront [5].
À Tiraspol, on est rapide à comprendre le renversement de
situation. D’autant que, compte tenu du casernement sur place
des 8 000 hommes de la 14e armée russe, les familles de
militaires représentent la moitié de la population
transnistrienne. S’appuyant sur les structures syndicales dont
il est issu, Igor Smirnov organise à l’avance une défense
populaire. De plus, il est « spontanément » rejoint par les
légendaires cosaques. Quelques volontaires rallient Tiraspol
pour encadrer militairement la population [6].
Reste à trouver des armes. Et des armes, il y en a en quantité
dans l’arsenal de la 14e armée russe. Cependant l’état-major
russe, qui doit faire face à bien d’autres conflits au même
moment dans l’ex-espace soviétique, se déclare neutre [7].
Le 15 mars, une foule encercle l’arsenal et exige qu’on lui
livre les armes. Après un long et pesant face-à-face, les
officiers renoncent à défendre l’arsenal. La foule s’empare de 1
000 kalachnikov, 1,5 millions de cartouches et 1 300 grenades
qu’elle remet aux cosaques [8].
Cosaques devant un blindé improvisé à partir d’un camion et de
plaques d’acier
Juste à temps. Chisinau, qui a décrété l’état d’urgence,
s’apprête à reprendre Bendery. Igor Smirnov en appelle à la
Communauté des États Indépendants (CIS) pour qu’elle envoie des
observateurs et face respecter le cessez-le-feu, mais Boris
Eltsine refuse de s’impliquer [9].
Toutefois Bendery abrite le casernement d’une unité de la 14e
armée russe, laquelle annonce, elle, qu’elle ne restera pas sans
réagir à une offensive moldave quels que soient les ordres de sa
hiérarchie. On négocie. Le vice-président russe, le colonel
Alexander Routskoy, fait le déplacement pour jouer les
médiateurs, mais les Moldaves, soutenus par les États-Uniens,
refusent de répondre à ses appels téléphoniques et encore plus
de le recevoir. Ils n’ont pas tort car Routskoy se rend à
Bendery où il prononce un discours enflammé en faveur de la
Transnistrie [10].
Puis, le bouillant Alexander Routskoy retourne à Moscou où il
essaie vainement de mobiliser la Douma [11].
Reculant avec prudence, les Moldaves acceptent le déploiement
d’observateurs militaires de la CIS [12]
et les cosaques sont démobilisés [13]
Répondant à la visite du vice-président Rutskoy, les Moldaves
reçoivent, eux, le président roumain Ion Iliescu pour discuter
de la fusion des deux États. Mais Illescu, qui craint d’être
happé dans un conflit militaire, se contente de bonnes paroles
et s’abstient de signer les protocoles qu’on lui présente [14].
Les négociations se poursuivent, mais quelle que soit la bonne
volonté des diplomates, elles se heurtent à la multiplicité des
protagonistes. Ainsi en Russie, Routskoy ne fait plus figure de
tête brulée isolée. Le général Albert Makashov monte à son tour
au créneau [15]
et d’autres personnalités encore. Finalement Boris Eltsine
tranche : il ordonne à la 14e armée de préparer son retrait
total. À Chisinau, le président moldave Mircea Snegur et ses
conseillers US interprètent cette nouvelle comme le feu vert
tant attendu. Ils prennent le commandement direct de toutes les
forces disponibles (police, douanes, armée) et requièrent
l’approbation du Parlement pour « écraser les séparatistes » et
en appellent à l’ONU [16].
Une foule de femmes encercle à nouveau l’arsenal de la 14e armée
russe. Cette fois, elles s’emparent d’une trentaine de blindés
sans que les soldats russes ne les en empêchent [17]
.
Revirement à Moscou dans le contexte des difficiles négociations
états-uno-russes sur le désarmement : soudain, le très
conciliant ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev
« n’exclut pas que la Transnistrie revienne un jour à la
Russie » [18].
À Chisinau, les partisans de la Grande Roumanie organisent des
manifestations contre les « séparatistes » au cri de « La
valise, la gare, la Russie ! ». Le 20 juin 1992, la Moldavie
attaque la Transnistrie. L’objectif n’est pas de prendre des
sites stratégiques, mais de semer la terreur dans la population
pour la contraindre à l’exode. Les soldats tirent sur les
civils, n’importe où. Les rues principales de Bendery sont
jonchées de cadavres [19].
Rompant le rang, des chars de la 14e armée russe sortent des
casernes pour combattre l’envahisseur. Trois sont détruits [20].
L’un d’entre eux orne aujourd’hui de monument aux morts de ces
jours tragiques.
Le président Mircea Snegur intervient au Parlement de Chisisnau
et déclare, dans un discours retransmis à la télévision : « La
Russie a déclenché une guerre non déclarée contre la Moldavie.
Le Dniestr est une zone occupée par la 14e armée russe » [21].
De son côté, le gouvernement de Bucarest dément avoir détaché
des pilotes auprès de l’armée moldave [22].
Ce que dément la 14e armée russe selon laquelle une dizaine
d’avions roumains participent aux combats [23].
Les premiers jours de combats seront particulièrement meurtriers
—plus d’un millier de victimes civiles— et décisifs. Il est
immédiatement évident qu’une résistance populaire bien
organisée, encadrée et armée, viendra à bout d’un adversaire,
certes supérieur en nombre et en équipement, mais démotivé et
agissant comme une troupe mercenaire.
En réalité, même si les combats vont encore durer trois
semaines, la guerre est déjà terminée.
Le 29 juin, le chargé d’affaires US, le colonel Howard Steers,
présent à Bendery pour coordonner les opérations militaires,
échappe de justesse aux tirs de snipers transnistriens [24].
Boris Eltsine décide de reprendre la 14e armée en main. Le 30
juin, il nomme le général Alexandre Lebed à sa tête avec pour
mission d’y mettre toutes les unités au pas et de désengager la
Russie du conflit. Comme il se doit, cette reculade s’accompagne
de déclarations martiales qui ne trompent personne [25].
Pour palier à ce désengagement, les « patriotes » russes
renvoient les cosaques à Tiraspol [26].
De son côté, Washington accorde aux Moldaves « la clause de la
nation la plus favorisée ��, comme une sorte de dédommagement
pour cette équipée ratée.
Le 3 juillet, Boris Eltsine et Mircea Snegur signent à Moscou un
accord de cessez-le-feu. Depuis lors, la Transnistrie
(rebaptis��e Pridnestrovie pour souligner qu’elle ne se limite
pas à la rive orientale du Dniestr mais comprend aussi Bendery)
vit en paix sous la protection des derniers soldats de la 14e
armée russe. Petit îlot d’un demi-million d’habitants, elle
refuse toujours de s’aligner sur l’OTAN et l’Union européenne,
et se voit en rétorsion privée de reconnaissance internationale.
Quatorze
mois après avoir repoussé les forces états-uno-roumano-moldaves,
les Pridnestroviens surent prouver leur reconnaissance à leurs
amis Russes. En septembre 1993, lorsque le président Boris
Eltsine appuyé par Washington tente d’étendre ses pouvoirs par
la force et dissout illégalement le Parlement, les députés
russes s’insurgent, le destituent et le remplacent par le
vice-président Alexander Routskoy. Les parlementaires se
retranchent dans leur hémicyle avec le général Albert Makashov,
tandis
que des volontaires pridnestroviens viennent assurer leur
défense. Mais Eltsine bombarde le Parlement
et donne l’assaut. Les insurgés, dont Routskoy et Makashov, sont
incarcérés. Quatre mois plus tard, ils seront graciés.
Thierry
Meyssan
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