L’État profond américain : Wall Street, “Big Oil” et l’attaque
contre la démocratie U.S.
Préambule
Cet article revient sur le 11 Septembre, mais avec un angle
d’attaque indirect. Il devient évident qu’à court terme, l’État
américain va rester sur sa position officielle, quelles que
soient les demandes soulevées par la société civile (pertinentes
ou pas d’ailleurs, là n’est pas la question).
Peter Dale Scott a une approche très personnelle, qui consiste à
comprendre le fonctionnement normal de l’État officiel, pour le
comparer avec la réalité de la situation lors des « événements
profonds », pour analyser ce qui n’a pas fonctionné selon les
règles officielles et qui serait révélateur d’éventuelles
manipulations ou mensonges. Sa méthode se rapproche de celle des
scientifiques qui étudient des planètes lointaines. On ne peut
pas étudier directement une planète qui croise un soleil trop
brillant : il vous aveugle. Par contre, vous pouvez étudier les
variations de ce soleil quand la planète le croise. Autant il
peut être possible de cacher des événements, des actes, autant
il est très difficile d’en contrôler les effets indirects sur
toute l’infrastructure d’un État.
Ces théories conspirationnistes ridicules sont juste un écran de
fumée pour masquer les vérités incroyables
Cet article donne un éclairage nouveau sur l’événement qui a
bouleversé le monde depuis 2001, en termes de communication, de
droit international, de géopolitique et, même et surtout, de
libertés individuelles dans les nations dites démocratiques.
Peter nous propose une grille d’analyse de plus, pas une boule
de cristal. À chacun de la comprendre, d’être d’accord ou pas,
mais la démarche mérite toute notre attention.
Entretien par Lars Schall, audio en anglais (Lars
Schall.com)
Lars Schall (LS) : Peter,
nous avons décidé de parler aujourd’hui de ce que vous appelez
« l’État profond », et la première question que je voudrais vous
poser est : pourquoi pensez-vous qu’il est encore pertinent de
parler du 11 septembre 2001 ?
Peter Dale Scott (PDS): Eh bien, le 11 septembre 2001
a été l’occasion d’importants changements tant dans la politique
intérieure que dans la politique étrangère U.S : c’est la raison
pour laquelle nous sommes allés presque immédiatement en
Afghanistan, et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons
commencé à planifier aussitôt l’invasion de l’Irak, qui a été
fondée sur l’hypothèse erronée que Saddam Hussein était lié à
Al-Qaïda. Alors que la preuve a été fournie depuis que c’était
un faux témoignage, l’administration a choisi de le croire. D’un
point de vue U.S., les changements dans la politique étrangère
ne sont peut-être pas aussi graves que la mise en œuvre, ce
jour-là, de ce que nous appelons les procédures de continuité du
gouvernement (continuity
of government, COG),
qui ont radicalement modifié le statut de la Constitution
américaine dans ce pays. Ils avaient planifié depuis vingt ans
ce qu’ils devaient faire en cas d’urgence majeure comme le 11
septembre, et ces plans ont été élaborés pendant deux décennies
par Donald Rumsfeld et Dick Cheney, qui sont aussi les deux
hommes qui les ont mis en œuvre le 11 septembre.
Nous ne connaissons pas en détail ces plans, mais je pense que
nous pouvons raisonnablement les résumer sous trois rubriques ;
l’une d’elles est la surveillance sans mandat. Edward Snowden a
prouvé, sans l’ombre d’un doute, qu’elle est massive dans le
pays, et elle l’est en raison de cette mise en œuvre des COG.
Une autre est la détention sans mandat ; nous avons eu plus d’un
millier de musulmans rassemblés sans mandat et détenus. Nous
avons quelque chose appelé Habeas
Corpus dans notre Common
Law : vous n’êtes pas censé détenir des
personnes pendant très longtemps sans les mettre en examen. Mais
plus d’un millier de personnes ont été arrêtées sans l’être, et
certaines d’entre elles ont été torturées. Voilà un énorme,
énorme changement dans l’état intérieur de l’Amérique.
Et puis enfin, il y a l’implication de l’armée dans ce que nous
appelons la sécurité intérieure. Les militaires jouent désormais
un rôle de police, et c’est aussi quelque chose de nouveau. Vous
pouvez souhaiter que, de temps en temps, l’armée soit appelée
brièvement pour faire face à une crise, comme les émeutes que
nous avions dans les centres-villes dans les années soixante,
mais avoir un commandement permanent de l’armée aux U.S.A.,
appelé NORTHCOM, est vraiment nouveau : c’est un changement
radical pour le rôle de l’armée, et par-dessus tout, pour ce que
j’appelle l’« État profond ». Nous avons maintenant des
institutions qui visent à opérer sur le sol américain sans être
contrôlées par la Constitution américaine. Je ne vois pas
comment on pourrait trouver un changement plus radical.
LS : Qu’appelez-vous l’État profond, quels sont les événements
profonds, et qu’est-ce que le 9/11 a à voir avec les deux ?
PDS : Permettez-moi d’utiliser la définition de l’État profond
formulée par quelqu’un d’autre. Une journaliste du Washington
Post, nommée Dana Priest, a écrit un livre, Top
Secret America,
et elle a dit ceci : nous avons maintenant « deux
gouvernements : celui que les citoyens connaissent, opérant plus
ou moins à découvert, l’autre étant un gouvernement secret
parallèle dont les éléments ont proliféré en moins d’une
décennie pour devenir un univers gigantesque, tentaculaire et
autonome… [1]
Le second niveau, celui de l’État profond, a régné au fil des
décennies, mais il est vrai qu’il a explosé dans la dernière,
quand elle écrivait. Et c’est exactement à cause du 9/11 et
des changements des COG qui ont été autorisés et mis en œuvre
avant que le dernier des quatre avions ne s’écrase. Ils ont mis
en œuvre les COG, ils ont proclamé l’état d’urgence trois jours
plus tard, et depuis, nous vivons dans cet état d’urgence, ce
qui signifie que la Constitution en vigueur ne fonctionne plus
de la façon habituelle.
Vous m’avez aussi demandé quels étaient les événements profonds.
Je qualifie le 9/11 d’événement profond parce que, depuis le
début, ce qui est arrivé exactement n’était pas très clair. Même
les journalistes ont comment�� la confusion et l������impr��cision des
rapports qui étaient devenus si mauvais que le Congrès a dû
exercer des pressions… C’était une lutte pour obtenir une
enquête.
C’est le plus grand acte criminel qui ait jamais été commis aux
États-Unis et la Maison-Blanche a essayé de ne pas enquêter. Il
y avait une scène de crime qui a été démantelée presque
immédiatement ; certaines personnes diraient que c’était
illégal. Ils ont dit qu’ils étaient à la recherche de cadavres,
et ce fut le prétexte pour faire disparaître toute trace
d’acier. Mais maintenant, les scientifiques seraient très
intéressés de savoir quels résidus se trouvaient dans l’acier
pour voir si les bâtiments ont été détruits à l’explosif ou non.
La plupart de l’acier a été expédié hors du pays très
rapidement, c’est pourquoi c’est un événement profond, et nous
avions le devoir d’enquêter.
Les deux grands événements qui sont des événements profonds sont
d’abord l’assassinat de Kennedy en 1963, puis le 9/11. Il y en a
d’autres – certains d’entre eux pouvant être très petits. Vous
savez, je pense que j’ai vécu quelques événements profonds dans
ma vie personnelle : j’en ai décrit un dans La
machine de guerre américaine.
Mais ceux qui ont eu des conséquences constitutionnelles étaient
l’assassinat de Kennedy – les conséquences ont été
plutôt invisibles dans ce cas-là, mais elles étaient réelles :
elles ont changé le rôle de la CIA et sa relation avec le FBI et
la police locale. Beaucoup plus importants furent les
changements après le 9/11. Il suffit de prendre celui qu’Edward
Snowden a si bien documenté, la surveillance sans mandat. Je
pense que parmi les trois grands événements profonds, c’est
peut-être le moins important, mais c’est le seul dont nous
parlons vraiment dans ce pays.
Et, dans les deux cas, il y a eu des commissions d’enquête, et
il en est ressorti des conclusions manifestement fausses. C’est
maintenant le véritable critère d’un grand événement profond
: lorsqu’ils enquêtent et qu’ils vous racontent une histoire,
dans laquelle on peut presque immédiatement commencer à voir les
failles et les contre-vérités. Donc, par définition, un
événement profond est celui sur lequel on ne nous donne pas la
vérité, et les plus grands sont ceux où on nous raconte une
histoire qui peut être vraie à certains égards, mais fausse sur
les points essentiels.
LS : Il y a une chose que vous analysez dans votre travail, ce
sont les schémas communs à la fois au 9/11 et à l’assassinat de
JFK. Tout d’abord, quand avez-vous découvert ce phénomène et
qu’avez-vous ressenti à ce sujet ?
PDS : Très vite après le 9/11, je fus frappé par le fait qu’ils
savaient presque immédiatement qui avait fait cela. Dans son
livre Richard Clarke (Against
All Enemies : Inside America’s War on Terror – What Really
Happened, 2004)
– il était en position d’autorité – a dit que le FBI avait une
liste des pirates de l’air des avions avant dix heures du matin
ce jour-là, avant le crash du dernier avion. Pour toute personne
qui ne sait rien de l’assassinat de Kennedy, l’une des choses
qui n’a jamais été expliquée est comment ils ont pu diffuser sur
le canal de la police une description de l’homme qui avait tiré
sur Kennedy, prétendument d’une fenêtre, et dont ils ont donné
une description très précise : 1,80 m, 75 kilos. Ils n’ont
jamais pu expliquer d’où cette description était venue. Ils
l’ont finalement attribuée à un homme du nom de Howard Brennan
qui était en bas ; mais il n’avait vu que la moitié supérieure
de l’homme à la fenêtre, alors comment pouvait-il connaître sa
taille et son poids ?
Le point intéressant fut la description de Lee Harvey Oswald
dans les dossiers du FBI et de la CIA, même si elle était
fausse. Ils la diffusèrent dans les 15 minutes (quand je dis
diffusion, je veux dire à la radio interne de la police) à
partir des fichiers du FBI et de la CIA ; et le FBI n’a jamais
pu vraiment expliquer et personne n’a été en mesure d’expliquer
comment cela a été possible.
Et la même chose est vraie avec le 9/11. Là aussi, une liste des
pirates de l’air circulait en interne, mais deux noms ont été
abandonnés à la hâte parce que l’un d’entre eux [Adnan Bukhari]
était mort et que l’autre [Ameer Bukhari] n’était certainement
pas dans un des avions. Cette liste, je pense qu’elle provenait
de fichiers. C’est juste la première similitude entre ces deux
événements profonds. Dans mon livre La
Conspiration pour la guerre,
je fais état de plus d’une douzaine de similitudes et depuis
j’ai aussi ajouté à cette liste le modus
operandi.
L’autre chose est que ces personnes ont déposé une trace
écrite : Oswald a tenu un journal, et il a fait toutes sortes de
choses qui ont été plus tard utilisées pour l’incriminer, bien
qu’il soit mort ; et à l’aéroport Logan, Mohamed Atta et ses
amis avaient laissé une voiture pleine de preuves. Ça a rendu la
tâche du FBI très pratique : les auteurs, ou plutôt les
coupables désignés (car il a été clairement décidé à l’avance
qui allait être blâmé pour cela) auraient ainsi laissé tous ces
documents comme preuves contre eux-mêmes. Je pourrais continuer
encore et encore ; je ne sais pas si cela vous suffit.
LS : Eh bien, je voudrais vous poser des questions sur les
canaux de communication spécifiques qui ont été impliqués à la
fois dans l’affaire JFK et le 9/11. Pourquoi est-ce peut-être la
plus importante similitude ?
PDS : Eh bien oui, je crois que le réseau de communication
national – il a pris différents noms au fil des ans, mais c’est
le réseau spécial qui a été mis en place dans le cadre de la
continuité de la planification du gouvernement – remonte aux
années 1950, mais ils changent son nom tout le temps. C’est une
similitude que j’ai découverte plus tard. Pendant de nombreuses
années, j’ai su que la White
House Communications Agency [WHCA] a été un facteur
dans l’assassinat de Kennedy, en rapport avec l’enquête de la
Commission Warren de JFK : ils ont publié les transcriptions de
la police et ils ont communiqué certains messages des services
secrets, mais il était connu qu’il y avait deux canaux de la
police. Les deux ont été communiqués, mais il y avait aussi un
troisième canal qui a été utilisé au Dealey Plaza [lieu où a été
assassiné Kennedy], celui de la WHCA.
Pendant des années, j’ai su qu’il fallait y avoir accès sans y
parvenir. En 1993, quand ils ont créé une Commission d’examen
des enregistrements d’assassinats, je suis allé voir cette
commission et je leur ai dit qu’ils devraient se procurer ces
dossiers ; mais ils n’ont pas été rendus publics. Et pourtant,
la WHCA se vante sur son site internet – je suppose que vous
pouvez toujours y accéder – que cet enregistrement a aidé à
résoudre l’énigme de l’assassinat de Kennedy. Et c’est très
intéressant, parce que ces dossiers ne sont jamais parvenus à la
Commission Warren qui était censée résoudre cette énigme.
Et puis, quand les enregistrements ont commencé à être divulgués
au sujet du 9/11 – cela a pris deux ou trois ans –, nous avons
eu le rapport de la commission du 9/11 et il se trouve qu’il y a
certaines communications, certains appels téléphoniques dont
nous connaissons l’existence, qui n’ont laissé aucune trace.
Dans mon livre The Road to 9/11, j’ai dit que les preuves
suggéraient qu’ils utilisaient déjà la COG – qu’ils l’avaient
déjà mis en place ; donc qu’ils utilisaient le réseau de
communication spécial de la COG, qui, est l’héritier du réseau
d’urgence, dont la WHCA fait partie.
Je pourrais ajouter qu’un autre événement profond fut le
scandale Iran-Contra, où il est avéré qu’Oliver North, en
1985-86, a envoyé des armes à l’Iran en toute illégalité, alors
que beaucoup de gens dans le gouvernement ne savaient rien à ce
sujet. Ils n’en savaient rien parce qu’Oliver North était en
charge de ce même réseau d’urgence, et qu’il l’a utilisé pour
communiquer avec l’ambassade au Portugal, par exemple, afin de
faciliter l’obtention de ces armes pour l’Iran. Voilà donc pour
moi un dénominateur commun.
Dans l’affaire du Watergate, qui est un autre événement profond,
nous ne savons toujours pas pourquoi une écoute avait été mise
en place sur le téléphone du Comité national démocrate, mais
nous savons que James McCord, qui était en charge de l’équipe
qui l’a installé, était membre d’un réseau nommé « Special
Air Force Reserve » qui était impliqué dans la COG.
Et il a été chargé de faire le même genre de chose : ².
Donc, cela me paraît un des dénominateurs communs les plus
frappants de ces quatre grands événements profonds, JFK, le
Watergate, Iran-Contra, et enfin le 9/11, et si jamais nous
avons un autre événement profond de ce genre, je peux prédire
maintenant sur la base des expériences passées que le réseau
d’urgence, celui auquel les gens ordinaires dans le gouvernement
n’ont pas accès, sera à nouveau utilisé.
LS : Est-ce que le Secret
Service a été impliqué dans les deux événements ?
PDS : Oui, précisément à cause de ce dont nous venons de
parler ; parce qu’ils utilisent la WHCA pour leurs
communications. Beaucoup de livres ont été écrits sur les Secret
Services et
l’assassinat de JFK, certains très exagérés, et certaines
personnes impliqués dans le complot. Je pense qu’il y a eu une
contre-performance étrange ce jour-là ; ils n’ont pas fait les
choses qu’ils auraient dû faire, ils n’ont pas enquêté sur les
gens qu’il fallait. Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils
sont coupables, et je ne suis pas non plus abonné à ces
théories. C’est moins évident dans le cas du 9/11, concernant
les Secret
Services,
mais ce qui est intéressant, c’est qu’ils jouent un rôle jusqu’à
un certain point. Il existe un avion spécial pour la COG, appelé
le E4B, surnommé aussi le Doomsday
plane [avion
de l’Apocalypse : NdT], faisant référence au plan de la COG, le Doomsday Program
[programme de l’Apocalypse : NdT], et cet avion a survolé la
Maison-Blanche.
Aucun avion n’est jamais censé survoler la Maison-Blanche, et
cependant, précisément ce jour-là, quand tout allait mal, le E4B
– il est supposé être l’avion spécial pour la National
Command Authority, qui comprend le Président et
le secrétaire de la Défense. Mais bien sûr, aucun d’eux n’était
dans l’avion : le Président était en Floride et le secrétaire à
la Défense était au Pentagone, selon ses propres dires pour
aider à mettre les gens sur des civières, ce qui semble une
chose étrange à faire pour lui quand la nation est attaquée.
Mais l’avion était là, à la Maison-Blanche, et le Secret Service
a répondu en évacuant précipitamment tout le bâtiment. Il y a
une description très vivante concernant le vice-président Cheney
littéralement soulevé de sa chaise pour le sortir du bâtiment en
l’informant évidemment que la nation était attaquée. Il aurait
été très logique, très raisonnable pour lui de rejoindre le plus
rapidement possible le PEOC, le bunker d’urgence qui est sous la
Maison-Blanche, utilisé an cas de menace sur la nation. Mais la
chose intéressante est qu’il n’a pas été dirigé vers le PEOC ;
pendant de longues minutes, il a attendu dans le tunnel à côté
du téléphone qui s’y trouve. Je serais prêt à parier que ce
téléphone était connecté au réseau d’urgence, et je pense qu’il
l’a utilisé pour prendre beaucoup de décisions importantes, mais
pas en présence des principaux conseillers qui étaient dans le
PEOC.
Donc, le Secret
Service est
impliqué dans la mesure où c’était sa mission de l’évacuer et de
rester avec lui – Cheney – quoi qu’il fasse, alors qu’il est
resté dans ce tunnel pendant au moins 20 minutes, à peu près, à
passer une série de coups de téléphone avec le Président et le
secrétaire de la Défense.
LS : Concernant le programme de continuité de gouvernement,
pourquoi est-il important d’en savoir plus, est-il toujours
vraiment d’actualité ?
PDS : Eh bien, permettez-moi de commencer avec la seconde
question. Oui, pour ce que nous en savons, il l’est encore…Il
est très difficile d’en parler parce que personne n’a jamais
publié un mot à propos de ces procédures. À ce propos nous ne
savons que ce qui a été publié dans les années 1980. Mais voyons
ce qui a été dit à ce moment-là et ce que nous avons vu mis en
œuvre depuis : surveillance sans mandat, nous l’avons, détention
sans mandat, nous l’avons aussi, et la loi martiale : le
gouvernement et les militaires sont impliqués en permanence dans
l’application de la loi. Il y a une brigade de l’armée qui
travaille à plein temps aux États-Unis pour faire face à
d’éventuelles perturbations possibles. Et… désolé, quelle était
la question ?
LS : Pourquoi est-il important d’en savoir plus à ce sujet ? Par
exemple, cela veut-il dire que la Constitution des États-Unis
dont les citoyens U.S. sont si fiers est suspendue ?
PDS : Elle n’est pas tout à fait suspendue mais elle a été
remplacée dans une large mesure. Pour les trois choses que je
viens de décrire, chacune est concernée… particulièrement les
deux premières. Je veux dire que la situation est très claire –
l’Habeas
Corpus est mentionné dans la Constitution. Il
n’est pas exactement garanti par la Constitution, il est juste
pris pour acquis dans la Constitution, car il remonte à la Magna
Carta au xiiie siècle. Il est l’un des
plus anciens droits qui fondent les libertés de la Common
Law. Il n’a pas été totalement suspendu, mais
sérieusement abrogé ; s’ils veulent détenir quelqu’un, ils
peuvent le faire. Et pas seulement les étrangers mais aussi les
citoyens des États-Unis.
Alors oui, le statut de la Constitution a été sérieusement érodé
et de plus en plus de gens commencent à en parler. Nous avons
finalement obtenu un débat sérieux sur la surveillance sans
garantie qui est contraire à la Constitution. Le Président a dit
qu’il allait faire quelque chose, mais nous n’avons pas vu de
résultats jusqu’à présent. En même temps, ils en sont non
seulement à essayer de poursuivre Snowden, qui a rendu un
service public, de mon point de vue, mais ils ont aussi accusé
l’homme qui a fait le programme de cryptage qui a permis à
Snowden de partager les documents avec Greenwald. Ils ont
persécuté cet homme au point de mettre en faillite son
entreprise. Donc, ils renforcent impitoyablement ce système de
secret, de gouvernement secret, qui a supplanté et éclipsé le
gouvernement ouvert.
LS : En ce qui concerne le 9/11, vous dites que vous n’avez
qu’une seule certitude : il y a eu une dissimulation massive.
Qu’est-ce qui a été couvert et pourquoi ?
PDS : Nous n’avons pas vraiment encore d’explication sur l’échec
de l’interception des avions. Il est certain qu’au moins les
troisième et quatrième avions auraient dû être interceptés. Une
explication est proposée dans le rapport de la commission sur le
9/11, mais il y a beaucoup de choses qui sont encore vraiment
inexplicables. Le comportement du vice-président a été un
élément-clé dans ce domaine. Il y a eu un appel téléphonique
passé pour mettre en œuvre le COG, c’est vraiment le point
crucial de ce qui s’est produit. Mais il n’y a pas de trace de
cet appel téléphonique. Non pas parce qu’aucune trace n’a été
enregistrée, vous savez, il ne l’a pas passé à partir d’un
téléphone public ou quelque chose comme ça ; je suis sûr qu’il
s’agissait d’une ligne du COG et nous devons savoir ce qui a été
dit.
Cela a des conséquences juridiques réelles, parce que l’une des
choses à expliquer est pourquoi le vice-président a pris des
décisions qu’il n’était pas légalement habilité à prendre. Nous
avons une Autorité de Commandement National qui gouverne
l’armée : c’est le Président et le secrétaire à la Défense. Ce
que nous pouvons dire, et ici les documents manquent, ce qui me
fait supposer qu’ils ont été cachés, est que les décisions
réelles ont été prises par le vice-président qui ne fait pas
partie de l’Autorité de Commandement National.
Tout cela doit être investigué, car il est tout à fait possible
que des crimes aient été commis en réponse au 9/11. Je ne parle
même pas du 9/11 lui-même, que je n’aborde pas dans mon livre
car il y a eu trop de livres écrits à ce sujet. Mais dans la
réponse au 9/11, certaines choses ont été faites, qui n’ont pas
suivi la lettre de la loi. Comment ont-elles été faites ? C’est
couvert par le secret parce que nous ne disposons pas des
dossiers.
LS : Est-ce que le 9/11 aurait pu être empêché ? Je pense
que c’est une question qui est très importante pour tout ce qui
a à voir avec la NSA. Est-ce que la NSA ne savait rien sur les
plans pour attaquer les États-Unis ?
PDS : Nous en savons si peu sur la NSA qu’il est difficile pour
moi de le dire. Il y a bien sûr des allégations, comme ce
lieutenant Shaffer qui est venu nous dire que la DIA, la Defense
Intelligence Agency,
avait en fait des fichiers très complets sur Mohamed Atta et
d’autres… Le Pentagone a nié, puis le membre du Congrès Curt
Weldon l’a mis à l’ordre du jour au Congrès et voulait vraiment
aller au fond des choses, mais le FBI l’a traité lamentablement.
Le FBI lança le bruit qu’il était sous enquête pour une sorte
d’escroquerie impliquant sa fille, ce que les journaux ont
pleinement relayé ; et s’il n’a jamais été inculpé, il a été
vaincu et viré du Congrès. C’était donc un signe, qui… J’ai
parlé de ce sujet dans plusieurs livres, il est très dangereux
pour les membres du Congrès de contester cette partie du
gouvernement que j’appelle l’État profond, car inévitablement,
s’ils le font, ils sont défaits lors des réélections. Je l’ai
écrit avant le cas de Curt Weldon, qui en est devenu un exemple
frappant.
Parlons de la CIA. La CIA connaissait certainement deux des
pirates de l’air qui étaient impliqués comme pirates présumés.
Je dis toujours présumés parce que je ne sais pas vraiment quel
était leur rôle dans le 9/11 ; je pense qu’il est probable
qu’ils se trouvaient dans les avions, mais je ne peux pas croire
qu’ils aient été capables de les diriger vers les gratte-ciel.
Ce fut fait d’en dehors des avions, ce qui est une technologie
parfaitement réalisable au XXIe siècle. Quant à ces deux pirates
de l’air… la CIA aurait dû en parler au FBI mais ils ne l’ont
pas fait. Et ils pouvaient se déplacer, être en contact avec
d’autres pirates de l’air. Si les procédures avaient été
suivies, la CIA aurait informé le FBI, le FBI les aurait mis
sous surveillance, et à partir de là, ils auraient à peu près
tout su à propos des pirates. Ainsi le fait que la CIA n’ait pas
communiqué quelque chose qu’elle aurait dû communiquer est l’une
des causes du déroulement du 9/11.
C’est seulement une petite partie de la scène, mais c’est une
partie révélatrice, et vous avez eu des échecs de communication
similaires dans le cas de JFK. Voilà une autre des nombreuses
similitudes, que la CIA ait envoyé un câble au FBI… non, pas un
câble, un message ; ils ont envoyé un message au FBI à propos de
Lee Harvey Oswald, et ils ont supprimé les informations qu’il
contenait qui auraient conduit à le mettre sous surveillance. Et
s’il avait été placé sous surveillance, il n’aurait pas pu jouer
le rôle de coupable désigné pour l’assassinat de Kennedy. Donc,
dans ce sens, je pense qu’il est très important de noter que la
CIA a fait de la rétention d’information.
Je ne prétends pas savoir qui a perpétré le 9/11 et,
contrairement à beaucoup de gens, je ne dis pas que la
Maison-Blanche l’a fait. Non, je pense que quelqu’un dans l’État
profond l’a rendu possible. Mais voyez-vous, dans ma conception
de l’État profond, il y a des éléments qui ne sont pas dans le
gouvernement. Donc, dire que l’État profond a fait quelque chose
ne nous apprend pas grand-chose. Mais nous avons besoin d’en
savoir plus, il y a encore des dossiers enterrés qui pourraient
être divulgués et qui nous aideraient à comprendre ces choses.
LS : Si des éléments incontrôlés du gouvernement avaient
participé au 9/11, les gens disent que quelqu’un aurait sûrement
parlé aujourd’hui. Vous savez, vous ne pouvez pas garder un
secret à Washington. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
PDS : Eh bien, vous savez, il y a en fait un livre sur
l’assassinat de Kennedy dont le titre est Quelqu’un
aurait parlé.
Parce que bien sûr, ils ont dit la même chose dès le début sur
l’assassinat de Kennedy, et la réponse est dans le livre :
beaucoup de gens ont parlé, mais ils n’ont pas été entendus.
Et avec le 9/11, c’est la même chose… Je parlais juste du 9/11
hier soir et il y avait quelqu’un qui était prêt à jurer sur la
Bible que le dernier avion, le vol 93, a peut-être été frappé et
endommagé au-dessus de Shanksville, qu’une partie est tombée sur
Shanksville, mais qu’il a continué parce qu’un ami, qui a parlé
à un ami très proche de lui, qui a parlé à autre ami très
proche, a dit qu’il a vu un missile frapper le vol 93 sur Camp
David, où se trouve le refuge du Président dans les montagnes.
Et ce n’est pas dans les journaux ; ce n’est pas parce que
l’homme ne parle pas, c’est parce qu’il a parlé et que le FBI
est venu et lui a dit de ne pas en parler de nouveau.
En fait, c’était dans les médias. Il y a – je viens de le
regarder – un reportage de la télévision de l’époque à ce sujet…
le FBI a dit que l’avion avait été abattu au-dessus de Camp
David et ils ont obtenu cette information de la FAA.
Tout cela était à la télévision, mais cela a été retiré de la TV
et la nation a oublié, ou presque toute la nation a oublié. Le
E4B sur la Maison-Blanche – CNN l’a rapporté à la télévision.
C’est une partie très importante de l’histoire. Mais ensuite,
ils l’ont mis en veilleuse. Heureusement, quelqu’un l’avait
enregistré et ils l’ont remis sur YouTube, et si vous achetez
mon livre quand il sortira en novembre, vous trouverez une URL
pour regarder cette vidéo de l’avion sur la Maison-Blanche. Les
Forces aériennes ont nié que ce soit jamais arrivé, mais ça l’a
été clairement, il y a clairement un E4B et ainsi les gens
avancent… et d’autres personnes devront fournir des
explications. [2]
Une chose est certaine, l’information est toujours contrôlée
dans toute société et si quelqu’un dit quelque chose qui ne
correspond pas à la version officielle… Nous sommes une société
très ouverte aux États-Unis, enfin c’est ce qu’on dit, et les
gens ne comprennent tout simplement pas de ne pas être entendus.
LS : Concernant la question de savoir si quelqu’un a parlé du
9/11, et qu’il aurait pu se produire quelque chose d’autre que
ce qui a été dit au public, est important dans le cas de Sibel
Edmonds. Pouvez-vous parler un peu de son cas ?
PDS : Oui, Sibel Edmonds a été une traductrice travaillant pour
le FBI et elle a vu des choses, ses langues de travail étaient
le turc et je pense aussi le farsi, et elle a vu… Le FBI
enquêtait sur des gens et comme les agents ne parlaient pas le
farsi, ils avaient besoin d’elle pour traduire des
communications qu’ils avaient interceptées. Et ce qu’elle a vu
était si alarmant qu’elle a essayé de le porter à l’attention de
ses supérieurs.
Il y a longtemps que je surveille son cas mais, essentiellement,
on lui a dit de se taire. Et finalement, elle fut mise sous une
ordonnance de la cour, je crois, et à ce jour, elle ne veut pas
aller en prison aussi parle-t-elle de beaucoup d’autres choses,
mais elle ne va pas divulguer ce qu’elle a vu. Cependant elle a
donné de solides indications que des gens très haut placés dans
le gouvernement ont été impliqués dans des activités
inappropriées avec d’autres gouvernements, et elle a nommé ces
gouvernements, dont le gouvernement turc. Elle est un exemple,
et pas le seul, de quelqu’un qui ne peut pas parler dans cette
société dite libre que nous avons.
LS : La version officielle du 9/11 est basée en très grande
partie sur des témoignages sous la torture. Est-ce que ça rend
leur histoire sans valeur ? Et d’ailleurs, est-ce que c’est
quelque chose que trop de gens ignorent ?
PDS : La partie… le rapport public sur le 9/11 de la commission
est seulement une petite partie du rapport global, mais la
partie qui parle de ce qu’Al-Qaïda a fait, comment ils ont
planifié et ainsi de suite, oui, tout provient de personnes qui
ont été torturées avant de donner leur témoignage. Certains de
ces témoins qui ne sont plus détenus se sont maintenant
rétractés sur ce qu’ils ont dit. Ils ont retourné une personne,
Abu Zubaydah ; il a avoué être une partie de la chose nommée
« Al-Qaïda » alors qu’il n’en était pas du tout. C’est une
direction totalement fausse, donc je pense que tous ces
témoignages devraient être retirés.
Ce ne serait pas invalider l’ensemble du rapport de la
commission sur le 9/11, mais seulement certains chapitres de ce
dont nous parlons, sur ce qu’Al-Qaïda a fait. Oui, ces
témoignages ne doivent pas être pris très au sérieux en raison
de leur manque de fiabilité. Par ailleurs, vous le savez, la
commission sur le 9/11 qui voulait voir les transcriptions n’a
pas été autorisée à le faire ; tout de suite cela devient très
suspect. On ne leur a pas dit que les gens ont été torturés et
depuis, je crois que les deux coprésidents, Thomas Kean et Lee
Hamilton, se sont plaints qu’ils ont été induits en erreur par
la CIA.
Et donc la version officielle qui est dans le rapport de la
commission sur le 9/11, c’est un peu n’importe quoi ; sa portée
a été minorée, même par les coprésidents de la commission. Donc,
oui, utiliser la torture pour obtenir des témoignages ne devait
pas se produire en premier lieu. Ensuite, de tels témoignages
n’auraient pas dû être utilisés. Enfin, ils auraient dû être
francs sur les circonstances et ils ne l’ont pas été, donc dans
tous les sens, c’est une honte.
LS : Pensez-vous que l’hégémonie des États-Unis dans le monde a
décliné en raison de l’action qui a suivi le 9/11 ? Par exemple,
il semble que les véritables bénéficiaires de la guerre contre
le terrorisme soient la Chine et la Russie.
PDS : Eh bien, laissez-moi décoder ça point par point. L’une des
principales conséquences du 9/11 était l’invasion de l’Irak, et
je pense qu’il n’y a presque personne qui… Tout le monde serait
d’accord que la puissance américaine dans le monde et
particulièrement au Moyen-Orient a été érodée en raison de
l’invasion de l’Irak. Il en a résulté tout d’abord une élection,
et si vous voulez la démocratie en Irak alors la majorité va se
prononcer et la majorité est chiite, donc vous avez maintenant
un gouvernement chiite en Irak. Et ce gouvernement est beaucoup
plus amical avec l’Iran qu’il ne l’est avec les États-Unis.
Beaucoup de gens pouvaient le prédire, et l’ont fait. Ce n’est
pas sorcier, c’est même assez évident.
Cela a également conduit à de fortes tensions entre les
États-Unis et l’Arabie saoudite. L’Arabie saoudite,
historiquement – est-ce qu’elle devait l’être ou pas peut être
débattu – a toujours été le meilleur allié des États-Unis dans
cette région. Et maintenant, il y a de grandes différences,
parce que l’Arabie Saoudite était ravie de voir Saddam Hussein
s’en aller, mais elle ne voulait pas d’une invasion ; car elle
savait que ça déstabiliserait l’Irak, et créer cette situation –
je ne veux pas dire un État en faillite, je n’aime pas cette
formule –, une autorité très affaiblie en Irak, c’est très
dangereux pour l’Arabie saoudite. Ils ont toutes les raisons
légitimes d’être en colère à propos de ce que les États-Unis ont
fait en Irak, et cela a affaibli la relation de ceux-ci avec
l’Arabie saoudite.
Vous avez l’ensemble du Moyen-Orient aujourd’hui : Zbigniew
Brzezinski l’appelait l’arc de crise en 1978 ou 79. C’est
beaucoup plus qu’un arc de crise aujourd’hui que cela ne l’était
alors à la suite de… Vous savez, je pense que l’invasion de
l’Afghanistan était également une erreur, mais elle est beaucoup
plus défendable que l’invasion de l’Irak, et les deux ont
manifestement étendu ce que nous appelons Al-Qaïda. Maintenant
parlons de forces d’Al-Qaïda, des gens qui font des choses
semblables à Al-Qaïda, et il y a beaucoup de groupes aujourd’hui
et beaucoup d’entre eux sont en fait basés en Irak à la suite de
l’invasion U.S. de l’Irak. Et cela se répand en Afrique, donc je
ne suis pas sûr que les bénéficiaires soient vraiment la Russie
et la Chine, mais plutôt l’anarchie.
Je pense que la Russie, la Chine et les États-Unis ont tous des
intérêts communs à ne pas voir le terrorisme s’étendre, et je
pense que la Russie a fait savoir très clairement qu’ils
aimeraient collaborer avec les États-Unis en matière de
terrorisme, et il y a des moments où – en particulier Obama
semblait vouloir faire plus de choses en commun avec la Russie,
en Syrie par exemple, où les éléments d’Al-Qaïda sont une partie
importante du problème maintenant pour la Russie comme les
États-Unis.
Et puis tout à coup nous avons vu surgir la situation en
Ukraine, et même sur l’Ukraine, vous pourriez vraiment critiquer
ce qui est arrivé depuis le 9/11. Cela pourrait prendre plus de
temps que ce que nous pouvons faire dans le temps imparti ici,
mais la détérioration de l’entente entre la Russie et les
États-Unis – et la situation en Afghanistan en fait partie – ce
sont des situations compliquées, mais une chose est vraiment
claire, c’est que la situation en Irak était une catastrophe et
qu’elle a créé des tensions, et que si nous n’apprenons pas à
faire face à ces tensions, nous sommes plus près du risque d’une
guerre nucléaire aujourd’hui que nous ne l’avons jamais été
pendant les vingt ou trente dernières années, ce qui est une
situation très alarmante.
LS : Est-ce que le mouvement de la paix dans le monde n’a pas
échoué, après le 9/11, dans sa protestation contre la guerre en
Irak, en ne remettant pas en cause la racine de tous les maux,
le récit officiel du 9/11 qui a servi de prétexte et de
justification pour aller à la guerre ?
PDS : Certes, ce mouvement de protestation contre l’idée de la
guerre en Irak aurait été plus puissant si nous avions compris
ce qui était arrivé lors du 9/11. Je ne pense pas qu’il soit
réaliste de croire que nous aurions pu en savoir assez à
l’époque – vous savez, les États-Unis y sont allés en 2003 et on
n’a pas eu le rapport de la commission du 9/11 avant 2004. Donc,
je ne pense que cela aurait pu aider le mouvement antiguerre en
2003, mais cela pourra certainement aider les futurs mouvements.
Je ne sais pas ce qui va se passer en Ukraine, mais… eh bien, en
fait je crois que je le sais maintenant. Je pense que l’Europe
intervient pour arrêter les États-Unis de devenir complètement
fous. Je ne peux pas croire certaines des choses que John Kerry
a déclarées récemment. Je veux dire, quand il déclare par
exemple à Poutine, après la Crimée, que l’ont ne fait pas ce
genre de chose au xxie siècle. Eh bien, les États-Unis ont été
l’exemple le plus visible et le plus flagrant de ce genre de
comportement.
Donc, je pense que les gens qui ne sont pas dans le gouvernement
doivent se mobiliser autour du monde et créer une sorte
d’opinion publique mondiale qui permette de contrôler – je ne
veux pas dire seulement les États-Unis, mais ceux-ci et d’autres
gouvernements – quand ils commencent à faire des choses
excessives. Il y a eu des cas où les gouvernements ne se
souciaient pas de l’opinion publique et c’était mauvais. Mais
maintenant, nous commençons à développer une opinion publique,
qui peut contraindre les gouvernements ; elle en a la
possibilité et c’est bien.
Je pense que l’opinion publique, par exemple, fut un facteur
important pour convaincre les entreprises U.S. de ne pas
investir en Afrique du Sud. Et ce mouvement de rébellion, qui
venait de l’opinion publique, a été un facteur important, et
Nelson Mandela l’a dit aussi, un facteur important dans la
libération de l’Afrique du Sud. Donc, il y a eu… l’opinion
publique, au final, est ce qui a mis fin à la ségrégation dans
le sud des États-Unis. Donc, c’est positif… Elle n’a pas réussi
en Irak, mais il ne faut pas en tirer la conclusion, à partir
d’une défaillance unique, que ces mouvements ne valent pas la
peine d’être organisés. Ils le valent.
LS : Avez-vous espoir que la question de ce que qui s’est
réellement produit le 9/11, sera un jour sérieusement abordée ?
PDS : Eh bien, si vous voulez dire à l’initiative du
gouvernement des États-Unis, peut-être pas. Mais elle est déjà
sérieusement abordée par des gens qui consacrent leur vie à
elle. Je ne me considère pas comme faisant partie de ce
mouvement, mais il y a de telles personnes. Je pense qu’ils ont
fait des découvertes très importantes, je pense que la quantité…
Le fait qu’il y avait des matières explosives a été assez bien
établi – dans le bâtiment 7 et dans les deux tours. Il y a eu
une enquête du gouvernement sur la raison pour laquelle les
tours sont tombées – elle a été menée par le NIST (National
Institute of Standards and Technology)
– et le NIST a été contraint de revoir ses conclusions.
Vous savez, ils ont dit que le bâtiment 7 est tombé en 5,3
secondes, et les critiques disaient qu’une partie de
ce temps se passe en chute libre, et ils ont tout simplement dit
que durant ces 5,3 secondes, ce n’était pas de la chute libre.
Les critiques ont donc demandé une définition plus claire ce
qu’ils voulaient dire, et le NIST a produit un graphique, qui
montre que, en fait, oui, pendant deux ou trois secondes la
chute du milieu du bâtiment était bien une chute libre. Eh bien,
si le bâtiment était en chute libre, il doit y avoir eu une
sorte d’explosion pour déblayer le chemin du haut de l’immeuble
vers le bas : c’est aussi clair que cela.
Donc, je pense que nous avons fait des progrès significatifs ;
nous pouvons en parler sérieusement quand vous forcez le
gouvernement à admettre un élément comme celui-là. Eh bien, vous
savez, on est en 2014, et il n’y a pas eu de réexamen de la
Commission Warren, mais presque tout le monde aux États-Unis
sait que la Commission Warren n’était pas la réponse. Ainsi,
dans l’opinion publique je pense qu’il y aura de plus en plus
d’enquêtes sérieuses.
LS : Mais de la part de la communauté internationale, il y a une
certaine pression sur les États-Unis pour se laver de ces
soupçons – vous ne pensez pas que ceci puisse jamais arriver ?
PDS : Je suis un ancien diplomate. Je ne pense pas que ce soit
la façon dont les gouvernements parlent aux gouvernements, non.
Et je ne suis pas sûr qu’ils le devraient. Ils doivent faire
face à leurs intérêts proches. Ce que nous avions besoin de
voir, ce sont les gens dans le monde qui exercent ce genre de
pression, et les journaux exercent ce genre de pression. Et nous
avons de la chance que nous ayons d’autres pays qui parlent
anglais en dehors des États-Unis, par exemple la presse
britannique, qui a donné une bien meilleure présentation de ce
que Glenn Greenwald a obtenu d’Edward Snowden. Et plus
généralement, je pense que si un citoyen U.S. veut savoir ce qui
est passe dans son pays, il devrait lire The
Guardian à
Londres, en Angleterre (et il peut le lire en ligne) il n’a donc
aucune excuse de ne pas le faire.
Voilà le genre de chose qui peut restaurer un certain degré de
bon sens dans un monde où… Je dois dire que les États-Unis sont
un pays merveilleux. J’adore vivre ici. Il dispose d’un
gouvernement, qui en fin de compte, je dois dire, se comporte
follement. L’invasion de l’Irak était folle. Il y avait un
certain nombre d’experts qui ont dit que cela fonctionnerait
mal. Et quand ils ont dit que Saddam Hussein avait des armes de
destruction massive, la preuve a été discréditée avant et
discréditée d’une façon qu’ils ne puissent même pas l’utiliser
de la manière dont ils le souhaitaient. Ces sortes de pressions
de l’opinion publique sont ce que nous avons pour ramener le
gouvernement U.S. à la raison.
LS : Et comment jugez-vous sur le fait qu’il n’y avait pas eu de
punition pour ce mensonge à propos de la guerre en Irak ?
PDS : Nous pourrions entrer dans le détail à ce sujet. Dans mon
livre American
War Machine,
je montre comment une société privée a conduit une enquête
d’Intelligence pour savoir s’il y avait des armes de destruction
massive ou pas, et ils ont conclu que oui. SAIC était le nom de
cette société. Et puis ils ont ensuite décidé, quand cela s’est
révélé faux, que nous devrions savoir comment nous avions pu
être si mal informés. Et a qui ils ont fait payer la facture ? À
la même société, SAIC.
Je suis un peu comme cet évêque, Desmond Tutu en Afrique du
Sud : je pense que nous avons besoin de la vérité et de la
réconciliation ; c’est ce qui est le plus important en ce
moment, plus que d’envoyer des gens en prison. Nous avons besoin
de la vérité de toute urgence, je serais prêt à renoncer à
mettre les gens en prison si nous pouvions obtenir la vérité.
Parce que si nous avions la vérité, ce serait certainement la
fin, par exemple, de l’état d’urgence qui existe encore dans ce
pays – renouvelé par Obama sans discussion chaque année (il doit
l’être tous les ans). Puis le Congrès ferait ce qu’il est censé
faire – regarder l’état d’urgence, regarder la continuité du
gouvernement. Au plus la vérité sorterait de ces choses, au plus
nous retournerions à un pays comme on l’a connu, ce qui était
très très loin d’une situation idéale, mais beaucoup mieux que
ce que nous avons avec les États-Unis d’aujourd’hui.
Wall Street : arrogance, corruption, avidité
– Ce n’est pas de la trahison, c’est la croissance des profits à
court terme
LS :
Est ce que Wall Street a des intérêts au cœur même de l’État
profond ?
PDS : Oui. Dans mon livre, je… la notion initiale de l’État
profond concerne les institutions publiques qui ensuite sont
éclipsées par la NSA, la CIA, le Pentagone et le JSOC (toutes
ces nouvelles institutions secrètes) et qui est le premier
niveau de l’État profond. Mais ces organismes sont puissants
parce qu’ils ont des liens à l’extérieur du gouvernement ; ils
ne rapportent pas seulement au Président, mais ils sont aussi
(en particulier la CIA, il est facile de se documenter) très
enracinés dans Wall Street, et ce mécanisme a été réellement
conçu par Allen Dulles, quand il était encore un avocat de Wall
Street, avant qu’il ne fasse son entrée à la CIA.
Et la CIA est aussi puissante à cause de ses liens avec Wall
Street et (c’est à peu près la même chose) ses connexions aux
grandes compagnies pétrolières, parce que les celles-ci étaient
autrefois basées à New York, et elles fonctionnent comme un
cartel qui a été défendu avec succès par Sullivan & Cromwell,
qui était un cabinet d’avocats de Wall Street dont (pas par
hasard) John Foster Dulles et Allen Dulles étaient des membres
haut placés.
Oui, Wall Street est un maillon important. Il l’était alors, il
est historiquement facile de le montrer, dans les années 1950,
et je le fais dans mon livre. Il est plus difficile de le
montrer maintenant, mais il y a beaucoup d’indications, je
pense… L’État profond, il convient de le mentionner, est de plus
en plus international, car les sociétés deviennent des
multinationales. Exxon est une entreprise multinationale, et il
y a des entreprises américaines, notamment Blackwater, qui est
un type d’armée privée qui se transforme en divers endroits. Je
crois qu’en Allemagne, votre presse a dit que Blackwater ou une
de ses filiales opère en Ukraine.
LS : Oui, cela est vrai.
PDS : Ce que nous appelons une société U.S. a maintenant
techniquement son siège au Qatar, dans le golfe Persique. Donc,
vous ne pouvez pas la contrôler. Comment Washington peut-il
contrôler une société dont le siège est dans le golfe Persique ?
Vous avez trouvé l’appareil d’un État profond supranational, et
nous allons avoir besoin de créer des institutions à un niveau
supranational pour faire face à ces nouveaux types de sociétés,
ces entreprises peuvent susciter des troubles parce que c’est
rentable.
LS : Deux questions personnelles à la fin : comment gérez-vous
le fait que vous êtes parfois rejeté comme un théoricien de la
conspiration ? Et comment faites-vous face à la tristesse qui
doit certainement être celle de vos lecteurs, étant donné votre
œuvre ? Je lis vos trucs et je ressors super-déprimé. Et donc je
voudrais savoir, qu’en est-il pour vous ? Je veux dire, vous
êtes celui qui écrit cela, non ? Et qui doit faire face à la
vérité. Comment réagissez-vous ?
PDS : Eh bien, j’ai appris à attendre de moins en moins dans ma
vie. Je suis… Tout d’abord, appelez-moi un théoricien de la
conspiration, c’est presque une médaille d’honneur, la façon
dont le… Vous savez, les gens qui utilisent cette phrase. Ils
m’associent avec des gens qui croient aux extraterrestres et
ainsi de suite. Je suppose que s’ils me réfutent en parlant des
extraterrestres, c’est un signe qu’ils ne veulent pas faire face
à ce que je veux dire, et donc que je suppose que c’est une
sorte de compliment négatif.
J’ai du mal à vous entendre, mais si vous me demandez comment je
supporte psychologiquement de ne pas être entendu et ainsi de
suite – ça a été difficile à certains moments de ma vie. En
fait, vers 1980, je devais sortir un livre, 250 000 exemplaires
à la première impression, à propos de l’assassinat de Kennedy.
Et puis mon éditeur le supprima de son programme ; et je pris
cela très durement. Je suis tombé dans une sorte de dépression.
Mais ce fut la chose la plus chanceuse qui me soit jamais
arrivée parce qu’en sortant de la dépression, j’ai commencé à
écrire un poème intitulé Venir
à Jakarta.
Ce poème traite de la dépression, traite de la terreur et traite
de toutes les choses qui m’ont vraiment bouleversé. Et ce livre
qui n’a pas été publié est loin d’être aussi important pour moi
que Venir
à Jakarta,
qui était le résultat de la suppression. Donc, je finis par me
sentir un gars chanceux dans un certain sens.
Et j’ai eu un très beau second mariage, et je me sens soutenu en
rencontrant des gens comme vous, Lars, en Allemagne, et je
connais quelqu’un à Moscou maintenant ; j’ai mon traducteur
français (Maxime Chaix) – ce sont tous des gens merveilleux,
c’est un privilège de les connaître et de travailler avec eux.
Et parce que j’ai toujours cru que la tâche de ma génération
était de jeter les bases d’une opinion publique mondiale, une
société civile mondiale, et comme je pense que je vois cela se
produire, je ne me sens pas déprimé.
Je pense que c’est très fragile car cela dépend d’Internet, et
Internet est un cadeau qui peut être enlevé très facilement par
ceux qui sont au pouvoir, et c’est le cas d’ailleurs de temps en
temps. En fait, mon site sur Facebook a été supprimé à un
certain moment. Je ne sais pas pourquoi ; je pense que c’est
probablement par accident, parce qu’ils voulaient vraiment
attraper quelqu’un d’autre. C’est donc fragile, mais ça
fonctionne, et si Internet devait être supprimé alors une autre
chose renaîtrait.
Je crois en la bonté de l’espèce humaine, et je crois aussi que
nous avons eu de mauvais gouvernements depuis le début des temps
et nous n’avons pas fait… Vous le savez, nous avons fait des
progrès à certains égards, mais nous avons également fait le
contraire du progrès dans d’autres, parce que les risques que la
race humaine s’autodétruise sont évidemment plus grands
aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a une centaine d’années, de
sorte que ce ne sait pas si on a fait de grands progrès. Mais
je… Dans ma poésie, je dis que je suis un idiot d’écrire sur la
politique, et parfois je pense que je suis un idiot, mais je
l’apprécie et je jouis de vous parler, voilà pourquoi je
continue.
Peter Dale Scott
Texte traduit par Hervé, relu par JJ et Sylvain, pour
vineyardsaker.fr. Préambule par Hervé.
Notes
(1) Dana Priest et William Arkin : Top
Secret America : The Rise of the New American Security State,
Little Brown, New York, 2011, p. 52.
(2) Peter Dale Scott fournit ce lien à son récit, lié à son
prochain livre : beaucoup de gens ignorent que le matin du 9/11,
lors de l’attaque sur le Pentagone, le Doomsday
plane,
ou E-4B, a tourné brièvement dans l’espace aérien interdit
au-dessus de la Maison-Blanche (CNN retira rapidement la
séquence vidéo de l’Internet, mais on peut la voir sur Youtube).
Le E-4B, un produit de la planification de la continuité du
gouvernement (COG), est un poste mobile de commandement de
survie, basé à Offutt AFB dans le Nebraska, de l’Autorité
nationale de commandement (le président et le secrétaire de la
Défense, bien qu’ils ne s’y trouvaient pas ce jour-là). Son but,
pour citer CNN, est « de garder le gouvernement en état de
fonctionner, peu importe ce qui se passe, même dans le cas d’une
guerre nucléaire, c’est la raison pour laquelle il a été
surnommé le Doomsday
plane pendant
la guerre froide. » Sa présence le 9/11, que l’Air
Force a
niée, n’a jamais été officiellement reconnue ou expliquée ;
officieusement, elle a été à l’époque attribuée à un jeu de
guerre. Il est significatif que les plans secrets de la COG
(dits Doomsday
Project)
aient été mis en œuvre à peu près au même moment, et remis à
jour depuis. Métaphoriquement le vol E-4B au-dessus de la
Maison-Blanche le 9/11 (représentée sur la couverture du livre
par une image composite) symbolise la façon dont ces plans de
l’État profond ont préempté l’autorité constitutionnelle, en
envoyant le président contre son gré à la base de l’E-4B à
Offutt, tandis que le vice-président est resté à Washington.
Traduit par Hervé, relu par JJ et Sylvain, pour
vineyardsaker.fr. Préambule par Hervé.
Présentation de l’auteur
Peter Dale Scott a étudié à l’Université McGill de Montréal et à
l’University College d’Oxford. Sa thèse a été écrite sur Les
idées sociales et politiques de T.S. Eliot. Il a d’abord
enseigné à l’école Sedbergh et à l’Université McGill. Ensuite,
il a rejoint le ministère canadien des Affaires extérieures
(1957-1961) et l’ambassade du Canada à Varsovie, en Pologne
(1959-1961). De retour à la vie universitaire, Peter Dale Scott
a enseigné à l’Université de Californie depuis plus de trente
ans, avant de se retirer de la faculté UC Berkeley en 1994.
Ses livres en prose comprennent :
§
The War Conspiracy (1972)
§
The Assassinations : Dallas and Beyond (en collaboration, 1976)
§
Crime and Cover-Up: The CIA, the Mafia, and the Dallas-Watergate
Connection (1977)
§
Introduction to Henrik Kruger’s The Great Heroin Coup : Drugs,
Intelligence, & International Fascism (1980)
§
The Iran-Contra Connection (en collaboration, 1987)
§
Cocaine Politics : Drugs, Armies, and the CIA in Central America
(en collaboration, 1991, 1998)
§
Deep Politics and the Death of JFK (1993, 1996)
§
Deep Politics Two : Essays on Oswald, Mexico, and Cuba (1995,
2007)
§
Drugs, Oil and War (2003)
§
The Road to 9/11 : Wealth, Empire and the Future of America
(2007)
§
La Route vers le nouveau désordre mondial – 50 ans d’ambitions
secrètes des États-Unis, traduction du précédent par Maxime
Chaix et Anthony Spaggiari, éditions Demi-Lune (2010)
§
The War Conspiracy : JFK, 911, and the Deep Politics of War
(réédition 2008 augmentée de celle de 1972)
§
American War Machine : Deep Politics, the CIA Global Drug
Connection, and the Road to Afghanistan (2010)
§
La Machine de guerre américaine – La politique profonde, la CIA,
la drogue, l’Afghanistan, traduction du précédent par
Maxime Chaix et Anthony Spaggiari, éditions Demi-Lune (2012)
Ses principaux livres de poésie sont les trois volumes de sa
trilogie Seculum :
§
Coming to Jakarta: A Poem About Terror (1989)
§
Listening to the Candle: A Poem on Impulse (1992)
§
Minding the Darkness: A Poem for the Year 2000 (2000)
Dans ses livres en prose, Scott est particulièrement intéressé à
examiner la « Politique profonde ». Il la définit de cette
façon : « Toutes les pratiques et dispositions politiques,
volontaires ou non, qui sont habituellement réprimées dans le
discours public plutôt que reconnues. »
این کتاب به زبان فراسه با این نام (Le
défi est lancé!Manifeste du Communisme) و به وسیلۀ (Edition
Baudelaire) و نوشتۀ (Mehdi Shohrati)
چاپ و منتشر شده است. این کتاب را می توان مجانی از آدرس زیر بصورت
پ. د. ف. بدست آورد.